Il est midi, et je suis censée retrouver sur l’avenue des Champs Elysées, Sacha, une camarade qui suit les mêmes études que moi, et avec qui j’ai sympathisé sur les bancs de la fac. Après quelques minutes je la trouve, et nous décidons de nous promener un peu tout en papotant, de tout et de rien. Nous finissons par entrer dans le magasin H&M, pour regarder la dernière collection en partenariat avec un célèbre designer. […]
Nous rigolions jusqu’à ce qu’un groupe de trois filles passe devant nous, et que l’une d’entre elles, en jean, grosse bottes (imitation Ugg), fond de teint orange, extensions capillaires jusqu’aux hanches et casquette m’accoste et me dit « C’est moche », avec un regard plein de haine et de provocation. Sur le coup, je ne m’aperçois pas vraiment qu’elle cherche la bagarre alors je ne réagis pas tout de suite, mais quand je me rends compte que cette bande de trois filles s’est mise sur le côté, et qu’elles attendent toutes trois ma réaction, forcément, là je comprends. […] Je commence à oublier cette scène, quand Sacha me dit « Doria, elles sont en train de nous suivre ».
Parmi les filles qui nous prenaient en chasse, il y’avait celle à la casquette, une autre maigrichonne avec un tissage qui rendait l’âme et enfin une troisième petite et un peu ronde, mais jolie. J’étais restée très calme jusqu’à là, mais quand j’ai entendu « Nique ta mère, salope », mon sang n’a fait qu’un tour. A ce moment, je n’ai plus voulu réfléchir comme une personne civilisée, je ne supportais plus ces provocations et était à deux doigts d’en venir aux mains. Mon amie ne savait plus quoi faire et tentait de me raisonner. Mais j’étais réellement en colère, la fille qui m’avait provoquée ne parlait plus, et regardait ses pieds. Elle se taisait tandis que je la remettais en place. Elle finit par me répondre « T’es qu’une arabe friquée de Paris ». C’était donc ça ? Toute cette provocation, ces insultes, parce qu’elle pensait que j’étais « friquée » ? […]
Mais les filles nous suivaient encore. Le problème étant que nous avions nos ordinateurs dans nos sacs, nous avions peur de nous les faire voler. Sacha, excédée, finit par se tourner et dire aux trois filles «Bon, vous comptez nous coller pendant longtemps encore ? ». Apparemment, les trois, attendaient que ma copine ouvre la bouche, car dès qu’elle a prononcé cette phrase, la maigrichonne voulut la frapper. Et c’est donc malgré moi, que je me retrouvais à tenir éloignée la fille et à devoir la raisonner. […] […]
Avec Sacha, nous avons ensuite reparlé de cet évènement, et elle finit par me dire une phrase qui m’a marquée : « Doria, ce n’est pas contre toi, mais je comprends pourquoi certains votent Le Pen ». Ce n’est pas la première fois que je me retrouve face à de telles situations d’agressions gratuites, dans l’unique but de « s’amuser », et je me demande où je suis sensée me placer dans tout ça.
[…] Par mes origines, je ne suis pas tout à fait française, mais pourtant je me sens comme telle. Devrais-je payer pour les autres ? Être prise à partie par tout le monde ? Parce que ma position, et je ne suis pas la seule dans ce cas là, est délicate. En banlieue, je suis une « vendue », une arabe « francisée » et ailleurs on me sous entend et on me fait comprendre que si on vote Le Pen, ce n’est pas contre moi.
Les filles qui m’ont « agressée », ne m’ont pas frappée, car elles ont fini par comprendre que j’étais du 93. Mais si mon amie avait été seule, quelle aurait été l’issue de cette discorde ? Et plus important encore, pour qui va-t-elle voter en 2012 ?
(Merci à Zatch)