Devant une gigantesque vache en plein toilettage, Gérard scrute, blasé, la nuée de journalistes remonter l’allée principale. Cachée par la trentaine de cameramen, de preneurs de son et de collaborateurs, à seulement quelques mètres, Eva Joly. “On la connaît mais on s’en passe”, marmonne ce quadragénaire replet, éleveur de charolaises en Bourgogne. La candidate écolo visite le salon de l’Agriculture, passage obligé des postulants à la présidence de la République. “Je ne veux pas la voir sur mon stand. Ceux qui la reçoivent sont des faux culs”, affirme l’éleveur en roulant les “r”. […]
Eva Joly n’est pas en terrain conquis au milieu des travailleurs de la terre. Ses positions sur les OGM, les pesticides, l’élevage intensif ou l’agriculture productiviste ont du mal, d’ordinaire, à séduire les agriculteurs. Ses prédécesseurs ne lui ont pas, loin s’en faut, mâché le travail. Pascal Bioulac, exploitant dans le Loir-et-Cher venu pour affaires, s’éloigne à grandes enjambées du carrefour où se trouve la candidate. Il vient, comme une dizaine d’autres, de la siffler. […]
Un peu plus loin, Charlie, volubile éleveur de Parthenaises en Vendée, regarde le spectacle médiatique qui se déroule sous ses yeux. “On ne peut pas revenir au temps où on labourait nos champs. Elle est à côté du système”, tempête l’agriculteur. “Déjà que les types se pendent et que les femmes se tirent, on ne va pas empêcher les agriculteurs de gagner leur vie”, ajoute-t-il, ciblant la pression sur la conversion bio et la lutte contre l’intensif. […]
Après être restée quatre heures, défendu ses idées, l’ex-magistrate a jugé l’accueil au Salon “excellent et chaleureux”. Et elle peut se réjouir : malgré les sifflets, aucun incident (officiel) n’est venu jeter une ombre sur sa visite.