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Et si la crise de l’euro n’était qu’un test grandeur nature, élaboré par un super-ordinateur gouvernant la planète ? Le comique berlinois Horst Evers applique à la situation actuelle les règles de l’univers parallèle imaginé par l’écrivain Douglas Adams. Et l’Humanité ne sort pas victorieuse de l’épreuve.

Dans Le guide du voyageur galactique, Douglas Adams représente la Terre comme une sorte de super-ordinateur conçu par une intelligence supérieure pour élucider les questionnements éternels de l’univers. Dans le but de déterminer les aptitudes et le degré d’évolution de l’Humanité, cette intelligence supérieure extra-terrestre lui soumet donc sans discontinuer des défis corsés dans le cadre de protocoles expérimentaux complexes.

Si l’hypothèse de Douglas Adams était juste, à savoir que c’est cela la raison d’être profonde de l’existence de l’Homme, notre gestion de la crise de l’euro nous renvoie sans doute dans les profondeurs du classement interplanétaire en matière d’intelligence.

Depuis plusieurs mois maintenant, la zone euro repasse par les mêmes phases de ce programme expérimental, chaque fois plus rapidement et chaque fois plus paniquée.

Sept phases immuables

Phase 1 : les pays de la zone euro constatent que les mesures prises jusqu’ici ne suffisent pas, loin de là, que les besoins de trésorerie sont nettement plus élevés que prévu, que la situation est encore bien plus critique que l’on ne veut bien l’admettre. Ce qui nous amène à la…

Phase 2 : un sommet est organisé, lequel doit impérativement déboucher sur une solution ou, tout au moins, sur une avancée décisive vers une sortie de crise. On nous rappelle que la situation est gravissime, que nous n’avons pas droit à une seconde chance, qu’il nous faut rompre avec nos tabous mentaux. Pour se faire bien voir et pour plaire aux médias, on fait mine de parler “vrai“. D’où l’impérieuse nécessité de la…

Phase 3 : des mesures d’austérité sévères sont prises – coupes sombres, programmes drastiques – censées nous redonner la maîtrise de la dette et fournir des garanties pour les remboursements. Une transition toute naturelle vers la…

Phase 4 : les politiques sont désolés d’avoir appliqué la rigueur, mais on apprécie néanmoins la volonté de mettre en œuvre des mesures impopulaires. Nous ne vivrons plus au-dessus de nos moyens, désormais. Les bourses respirent, les États endettés se sentent humiliés, tenus en laisse, mais finissent par accepter ce que tous considèrent comme une grande victoire et comme une avancée décisive. Mais très vite, nous passons à la…

Phase 5 : les économistes font observer que les coupes drastiques et autres mesures d’austérité freineront considérablement la conjoncture. Les économies de la zone euro accusent très nettement le coup, si elles ne s’effondrent pas. La perspective d’une récession les met dans tous leurs états, et nous arrivons à la…

Phase 6 : contre toute attente, les agences de notation partagent ce point de vue. En dépit des mesures d’austérité drastiques, elles n’aiment pas la tournure générale que prennent les événements. Même pas du tout, et c’est pourquoi elles ne voient pas d’autre solution que de réviser une nouvelle fois à la baisse leurs pronostics et leurs notations pour un grand nombre d’Etats et de banques de la zone euro. Ce qui nous conduit à la…

Phase 7 : la dégradation des notes induit naturellement une nouvelle envolée des coûts et des charges liés au déblocage de nouveaux crédits et à la mise en œuvre de nouvelles mesures. La confiance s’effrite dans la zone euro, en particulier dans les pays endettés. De nombreuses banques sont en butte à des difficultés considérables. On prend peu à peu conscience que les mesures prises jusqu’ici ne suffisent pas, loin de là, que les besoins de trésorerie sont nettement plus élevés que prévu, que la situation est bien plus critique que l’on ne veut bien l’admettre…

Ce faisant, nous venons de passer une nouvelle fois par la phase 1, et nous pouvons donc passer directement à la phase 2 : il faut convoquer un nouveau sommet.

Comme un hamster dans sa roue

Difficile de dire si l’intelligence supérieure qui a imaginé pour nous cette série d’expériences en est aujourd’hui amusée ou déprimée. Sans doute observe-t-elle avec indifférence que l’Humanité, et plus particulièrement la zone euro, use toujours des mêmes moyens pour tenter d’échapper à son destin, comme un hamster dans sa roue. Comme un hamster, elle ne fait qu’accélérer le cours des événements et aggraver son problème en s’accrochant vaillamment, imperturbablement, à ses réflexes de toujours.

Sans doute cette intelligence supérieure s’ennuie-t-elle déjà tellement qu’elle a tout simplement décidé de corser l’expérience en accentuant le stress de ses deux principaux cobayes. Au premier*, elle inflige une campagne électorale particulièrement ardue, au second**, un scandale qui entraîne l’expulsion d’un président fédéral inoffensif, remplacé par un autre à la personnalité nettement plus complexe.

Peut-être entendrons-nous prochainement des propositions plus radicales et volontaristes en faveur du sauvetage de la zone euro. Peut-être la Grèce s’entendra-t-elle suggérer de vendre à la Chine sa place dans le championnat d’Europe de football. D’autres experts européens pourraient éventuellement aller jusqu’à proposer de troquer la Grande-Bretagne contre la Chine, par exemple.

Beaucoup de gens sont certainement disposés à prêter main forte à la Grèce. A condition bien sûr que les Grecs fassent preuve de bonne volonté et s’engagent, par exemple, à mettre la totalité du pays, sa main d’œuvre, son économie toute entière au nom de ses créanciers jusqu’à la fin des temps. Peut-être l’Europe va-t-elle aussi fonder sa propre agence de notation ou bien créer une agence de notation chargée de noter les agences de notation.

Soit dit en passant, le roman de Douglas Adams n’élucide pas les questions de l’Univers. Au contraire : le super-ordinateur Terre est même détruit pour laisser la place à une voie expresse hyperspatiale. Dans le cas de la crise de l’euro, de telles mesures seraient, bien sûr, exagérées.

*Nicolas Sarkozy **Angela Merkel

Presseurop

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