Marc Crapez, chercheur en science politique, s’interroge sur l’inflation de l’utilisation du mot «populisme» dans le débat politique et dans les médias. La notion est-elle utilisée à bon escient ? Ou n’est-elle trop souvent qu’un moyen commode de délégitimer ceux qui ne pensent pas pareil ?
Jamais les élites n’ont été aussi homogènes face à la contestation d’outsiders qui disposent de moyens dérisoires puisqu’ils sont exclus du journalisme, des syndicats, des universités, des think tanks et autres lieux de pouvoir et d’influence.
De nos jours, il n’est pas pire injure que «franchouillard», «très français», «franco-français» ou «hexagonal». Ce mépris pour tout ce qui évoque le nom de sa patrie n’existe dans aucun autre pays. Le sentiment d’appartenance nationale est dans une situation critique.
Les médias préfèrent focaliser l’attention sur la survivance du nationalisme fanatique. Des reportages sur le fascisme en Europe filment des groupuscules alignant péniblement quelques dizaines de néo-nazis. Mais, malgré leurs mines patibulaires, on est très loin des millions de militants qui peuplaient les ligues d’extrême-droite dans l’Europe des années 30 et faisaient vaciller les démocraties. Que ce genre d’idéologie soit à surveiller est une chose, qu’elle constitue une menace pour la démocratie en est une autre. […]
Le politologue pro-européen Dominique Reynié, après avoir qualifié de «vertige social-nationaliste» le Non de gauche au referendum sur l’Europe de 2005, sonne le tocsin contre le «populisme : la pente fatale». Cette idée de pente fatale est discutable car aucun parti populiste n’a la moindre chance de prendre le pouvoir seul et les expériences de coalition n’ont pas attenté aux libertés publiques. Vertige, fatalité… Le populisme est prétendument détecté comme une phobie ou une pathologie. […]