Pour Gilles Kepel, professeur à Sciences Po et membre de l’Institut universitaire de France, l’abattage rituel halal va nous obliger à «repenser notre roman national républicain». Il souligne que le communautarisme musulman prend pour modèle le communautarisme juif.
Que s’est-il passé en un quart de siècle ? A la fois des changements dans l’économie française et le marché de la distribution et des crispations communautaires issues de la déréliction sociale.
La question sociale, qu’irritent nos banlieues pauvres, jeunes, peuplées, et frappées par le chômage, est l’oeil du cyclone électoral. Mais les candidats à l’élection présidentielle ne savent ni n’osent la formuler explicitement. D’un côté, les cris d’orfraie, qui font de l’immigration et de l’islam la cause principielle des maux du vieux pays ; de l’autre, la politique de l’autruche, qui se réfugie dans le déni des cultures et occulte ce que les replis communautaires traduisent de la désintégration de notre société. […]
Au départ, il s’agit de modes de consommation qui s’inscrivent dans une revendication de pluralisme : on mange halal comme d’autres végétarien, bio ou cacher – et les entreprises de distribution ne s’y sont pas trompées, qui déclinent une gamme de produits halal dans les gondoles, friandes d’un marché estimé à 5 milliards d’euros. Mais celui-ci est rapidement investi par les acteurs politiques de l’islamisme, qui voient là une opportunité de contrôle communautaire et s’efforcent de radicaliser et d’exacerber le halal. Paradoxalement, alors que ces acteurs politiques islamistes sont très engagés dans l’antisionisme, c’est le rituel juif de l’abattage qui leur sert de modèle – dans une rivalité mimétique qui conduit à un alignement du halal le plus rigoriste sur le glatt cachère. […]