Jean Quatremer, journaliste à Libération, avait dénoncé les comportements sexuels de DSK en 2007. “Il draguait lourdement des conseurs journalistes”. Interview d’un chroniqueur qui décortique l’esprit de révérence à la française, et qui cloue au pilori les liaisons toujours dangereuses entre presse et pouvoir.
Rien ne prédisposait Jean Quatremer à s’intéresser aux pratiques sexuelles de DSK. Spécialiste des questions européennes, auteur du blog “Coulisses de Bruxelles” pour Libération, le journaliste est pourtant très vite choqué par l’attitude leste de DSK à l’égard de consoeurs.
“Ce n’était pas un scoop! Tout le monde était au courant. Personne ne disait rien”, s’exclame-t-il aujourd’hui.
En 2007 déjà, quatre ans avant que l’affaire du Sofitel n’éclate à New York, il brise l’omerta en évoquant sur son blog le problématique “rapport aux femmes” du socialiste alors en lice pour occuper le poste de directeur du FMI. Aujourd’hui Jean Quatremer revient sur les liaisons dangereuses entre presse et pouvoir politique. Il publie “Sexe, mensonges et médias”, un livre à charge contre le paysage médiatique à la française. Interview décryptage.
Jean Quatremer, vous dénoncez en 2007 déjà les pratiques sexuelles de DSK. Quel était votre but à ce moment là?
J’ai écrit ce que tout le milieu connaissait. J’avais assisté à deux scènes notamment où Dominique Strauss Kahn draguait lourdement des consoeurs. Mes collègues ont confirmé ces habitudes. Lorsque j’écris en 2007 sur les pratiques douteuses de DSK, mon but n’est pas de mener une enquête sur sa vie privée. Comme il était candidat à la direction du FMI, j’avais voulu mettre en perspective une réalité culturelle. Si DSK pouvait être taxé de latin lover en France, il était à parier que son attitude allait lui amener les pires ennuis aux USA, où l’on ne plaisante pas avec le harcèlement sexuel.
Le moins que l’on puisse dire c’est que vous avez été peu suivi à ce moment là. Même votre journal Libération ne publie pas l’information…
Laurent Joffrin, mon patron de l’époque, depuis retourné au Nouvel Observateur, n’a pas donné suite à mon blog.
Mes collègues se sont montrés critiques. Il ne m’ont en tout cas pas apporté leur soutien. Comme je vis à Bruxelles, je reste relativement éloigné des séances de rédaction et du microcosme parisien. Mon journal n’évoquera même pas l’incident dans le portrait qu’il fera de DSK suite à son élection à la direction du FMI en automne 2007. Une façon comme une autre de me rappeler que j’avais franchi la ligne jaune.
Et quelle est-elle cette ligne jaune?
La séparation entre vie politique et vie privée. La presse française a derrière elle une longue histoire de soumission à l’égard du pouvoir. (…)