Depuis les drames de Montauban et de Toulouse, les politiques multiplient les acrobaties de langage. Le chercheur François Héran nous fournit les sous-titres.
La série commence à devenir impressionnante. En moins d’une semaine, l’éditorialiste du Figaro parle de « parachutistes d’origine musulmane » ; le ministre de l’Intérieur s’associe à la peine de la « communauté israélienne de France » ; le président de la République invente les « musulmans d’apparence » ; la première secrétaire du PS distingue les « femmes d’origine maghrébine » et « les Françaises ».
Lapsus ou formules malheureuses, ces phrases trahissent une vraie difficulté à désigner l’appartenance religieuse ou l’origine ethnique des gens.
Qu’est-ce qui pousse des responsables politiques et des commentateurs à s’embarquer dans des formules confuses ?
Pour François Héran, directeur de recherche à l’Institut national des études démographiques (Ined), c’est la peur :
« Une partie du problème vient du fait que, quelles que soient les formules utilisées, on est sûr d’être pris pour cible, accusé par les uns d’être hypocrite et aveugle, par les autres de porter atteinte à l’unité de la République. »
Il décrit ainsi l’embarras dans lequel se trouve quiconque veut désigner certaines catégories de personnes en fonction de leurs origines ou leur religion (et même leur apparence physique) :
« Si vous utilisez des termes directs et que ces termes ont pris historiquement des connotations négatives,
il se trouvera toujours des journalistes, des politiques ou des associations pour vous le reprocher et vous accuser de donner dans la discrimination. (…)
François Héran pense que « le “color-blind” (ou le “religion-blind”), c’est-à-dire le refus de voir la couleur, l’origine, voire la religion, alors même qu’elles sont visibles » est « une ascèse à construire ». (…)