(…) Comment avez-vous vécu les évènements de Toulouse ?
Je n’ai absolument pas été surpris. Cela fait longtemps que je suis averti de la situation, de l’état d’esprit de nos jeunes. Je le hume, je le sens… Mes tournées sont comme une espèce de campagne électorale et je reste en contact permanent avec la rue. Mes amis habitent encore en banlieue et j’y vais très souvent. Les jeunes des quartiers ne se sentent pas considérés. Ils sont frustrés. Ils pensent représenter une force mais qui n’est pas utilisée à bon escient. La moitié des garçons qui vivent en banlieue sont au chômage. On peut imaginer le degré de frustration.
Mohamed Merah était un marginal à sa solde, un type frustré par la vie et par notre société. Le problème est triple. C’est la banlieue, la banlieue, la banlieue… La banlieue était une bonne idée dans les années 1960 mais, aujourd’hui, il faut repenser l’urbanisme. Il y a des solutions qui ont fait leur preuve. À Valenciennes, Borloo a fait un travail extraordinaire.
Dans le cas d’un Mohamed Merah, peut-on nier la responsabilité individuelle ?
Bien sûr, la responsabilité individuelle existe. Mais si on grandit dans une Zup et que l’on va à l’école dans une Zep, c’est pipé d’avance ! Déjà dans votre cœur, vous avez le sentiment d’être maltraité. Que tout le monde ne soit pas logé à la même enseigne, sur le plan de l’éducation, c’est terrible, cela creuse les écarts sur le plan social – bien sûr –, mais aussi sur le plan psychologique. Il y a des gens qui auraient pu être ministre ou médecin, mais on ne leur donne pas leur chance. (…)
Une frustration exacerbée par un islam radical ?
Chez Mohamed Merah, répétons-le, il y a zéro idéologie ! Et l’islam dont parlent les journaux, je ne le connais pas. J’ai appris l’islam de la manière la plus noble qui soit, en étant tolérant, en ayant de la sollicitude pour le monde qui m’entoure.
Quand j’étais môme, notre religion c’était le football : on jouait cinq fois par jour en direction de La Mecque ! On faisait le ramadan, et l’ambiance était formidable. À 17 heures, on était tous dans le même état d’esprit, un peu énervés. Et le soir, on se retrouvait avec toute la famille pour dîner et les plats passaient de maison en maison. C’était un vrai moment de partage, de communion…
La religion, c’était le ciment de la famille, un repère fort qui nous permettait de nous retrouver autour de valeurs. Surtout, ça sert à ne pas avoir de peur de l’après, et c’est rassurant !
Quelles sont pour vous les valeurs de l’islam ?
L’ouverture, le partage, la solidarité. Quand il y avait un mort dans le quartier – et il y en a eu malheureusement –, il y avait des veillées. On se retrouvait avec la famille endeuillée, et il y avait une solidarité incroyable, palpable, car tu apportais des choses à manger et tu donnais de l’argent pour rapatrier le corps, et cette solidarité était affective, car on était là. Et cela durait 40 jours… (…)
La Vie