En France, Jamel Debbouze cultive une image de comique «vénère». Mais, au Maroc, il est plus considéré comme l’ami VIP de Mohammed VI, dont il tresse les lauriers.
Contrairement à Gad Elmaleh, son alter ego du spectacle, qui est né et a grandi au Maroc, Jamel Debbouze a vu le jour à Paris en 1975. Le comique qui est devenu l’idole des jeunes en France, grâce à ses vannes et son parler saccadé dans lequel ils se reconnaissent, n’a pas l’image d’une mega-star du bled. Les Marocains s’identifient davantage au style de Gad, le Casablancais. D’ailleurs, Gad se produit plus souvent au Maroc et ses sketches y font un tabac, pas Jamel, en tout cas, pas autant.
Entre 1976 et 1979, la famille Debbouze s’était réinstallée au Maroc, avant de repartir définitivement à Trappes dans les Yvelines (région parisienne), en 1983. De cette parenthèse, Jamel en a gardé une nostalgie qui n’est certainement pas feinte(…)
Malgré cette sympathie qu’il peut susciter, au Maroc, il a l’image lointaine qu’on a des «zmagrias», des immigrés de deuxième ou troisième génération, des jeunes des banlieues françaises dont les codes, les références et forcément l’humour sont, pour ainsi dire, étrangers à la culture populaire locale. (…)
Jamel est plutôt vu comme un jet-setter qui vient faire la teuf à Marrakech, où ce joyeux drille qui mélange promo d’une de ses productions cinématographiques et pub pour un opérateur de téléphonie marocain. (…)
Le spectacle parrainé en 2011 par le roi pour conjurer le drame de l’attentat de la place Djemaâ-el-Fna a été perçu comme une sorte de délocalisation de son Jamel Comedy Show où l’on verra plus de touristes et de résidents français au Maroc dans le public que de Marocains. (…)
Il a recemment affirmé au magazine Les Inrocks rester «un comique vénère».
«Au lieu de nous faire la leçon en France, je voudrais bien avoir son avis sur la politique sociale au Maroc. À le voir baiser les pieds du souverain à chacunes de ses visites, tout laisse à penser qu’il approuve la politique de Mohammed VI», commente durement un internaute. (…)
La sollicitude royale lui vaudra d’être indésirable à Alger pour l’avant-première d’Indigènes. Une décision malheureuse, commentée en ces termes par Libération:
«Le comique d’origine marocaine se voit en effet reprocher de soutenir le… Maroc dans le conflit du Sahara occidental, d’avoir ses entrées auprès du roi Mohammed VI et d’avoir eu le mauvais goût de se marier en grande pompe à Marrakech! Les autorités algériennes auront du mal à convaincre du contraire compte tenu de la campagne virulente lancée sur ces thèmes à Alger contre Jamel Debbouze.» (…)
«Le mécénat royal est parfois à double tranchant, car les gens aidés par le roi peuvent être soupçonnés d’avoir perdu leur indépendance et d’être des lobbyistes du royaume», avait confié à propos de Jamel un observateur proche des milieux artistiques à la presse. (…)
A force de jouer à l’équilibriste entre la France et le Maroc, le retour de manivelle est parfois cinglant pour Jamel sur d’autres sujets sensibles. Lorsqu’il pose à la une de Têtu, en défense des artistes homosexuels, les commentaires des internautes sont sans appel:
«J’aimerai voir Jamel Debbouze défendre la même cause au Maroc, chez son grand ami Mohammed VI. Ce serait là un vrai combat», écrit un lecteur du magazine.
«Pour ceux qui ne le savent pas, dans le deuxième pays de Jamel, l’homosexualité est hchouma et haram (honte et péché). L’article 489 du Code pénal marocain condamne l’homosexuel à des peines allant de 6 mois à 3 ans de prison. Et, evidemment, le magazine Têtu est totalement interdit au Maroc…» (…)
Il y a quelques années, il faisait partie de la liste des «60 qui plombent le Maroc», publiée par Le Journal Hebdo (…)