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L’immigration, appréhendée d’un point de vue économique ou culturel, est l’un des thèmes majeurs du débat présidentiel. Pour la démographe Michèle Tribalat, la violence des arguments ne doit pas faire illusion. Pour la gestion des flux, Hollande et Sarkozy ont «consenti» leur «impuissance», préférant s’en remettre à l’Union européenne et à la jurisprudence française que de risquer d’agir.

Parler d’immigration n’est pas a priori illégitime lors d’une élection présidentielle. C’est le thème de prédilection du Front national et que ce dernier a mis lui-même sur le tapis certains sujets très propices à déclencher des polémiques, à mettre mal à l’aise ses adversaires. Les autres candidats à la présidentielle n’ont pas pu rester à l’écart. La montée du thème de l’immigration tient aussi à la stratégie du président-candidat qui cherche à mordre sur l’électorat du Front national.

Le parallèle avec la crise financière n’est pas inapproprié. Ce sont deux sujets de politique sur lesquels l’exécutif a perdu la main. La politique migratoire est devenue, à l’exception de l’immigration de main-d’œuvre, une politique communautaire, soumise au processus de co-décision qui met en jeu la Commission, le Conseil et le Parlement européens. […]

Ni l’UMP ni le PS ne remettent en cause le postulat selon lequel l’immigration est une chance pour la France. On aimerait qu’ils nous expliquent en quoi l’immigration en elle-même, c’est-à-dire indépendamment de ses caractéristiques, est un bienfait. Le passé nous montre que l’effet sur la pyramide des âges est, au final, assez faible. L’aide apportée aux comptes sociaux dépend des taux d’emploi. L’effet sur la croissance, lorsqu’il a été calculé (au Royaume-Uni et aux États-Unis) et une fois rapporté aux habitants déjà présents sur le territoire, est lui-même extraordinairement faible.»

À droite, on a tendance à dire que l’immigration est une chance à condition qu’elle ne soit pas trop importante pour éviter les risques de congestion (logement notamment), de peser sur les comptes sociaux et de contrarier l’intégration. À gauche, on a tendance à insister sur le besoin d’immigration – « La France et l’Europe ont besoin d’une immigration légale pour construire leur avenir » (programme du PS p. 21) – et sur son caractère inévitable, la circulation des personnes n’étant qu’une des facettes de la mondialisation.

La position de Nicolas Sarkozy est fragilisée par le fait qu’il a été Président pendant 5 ans (au pouvoir plus longtemps si l’on compte ses passages au ministère de l’Intérieur) et n’a pas réussi à diminuer sensiblement les flux d’entrées, alors même que nous traversions la plus grave crise connue depuis celle des années 1930. La proportion d’immigrés a progressé au cours des années 2000 à un rythme voisin de celui observé pendant les Trente Glorieuses. Comment réussirait-il, dans les cinq années qui viennent, ce qu’il n’a pas pu faire pendant les cinq années précédentes ? […]

Au pouvoir depuis de nombreuses années, la droite ne s’est guère opposée aux directives de l’UE, alors qu’elle avait encore un droit de veto. Elle n’a pas non plus opté pour un protocole spécial, comme l’a fait le Danemark, également signataire des accords de Schengen. Cette impuissance fondamentale détermine tout le reste puisqu’il faudra, au fond, que les Français s’accommodent d’une immigration sur laquelle ils n’ont aucun pouvoir de décision. Sauf à espérer créer une fronde en Europe sur la question et durcir la loi européenne, grâce aux nouvelles règles de la majorité. Ce qui n’est guère probable, compte tenu du fonctionnement de l’UE. […]

Le fond de la question de l’intégration est évité. Pourquoi le modèle traditionnel d’assimilation est-il en échec ? Sur quoi bute-t-il ? Est-il réaliste de s’y accrocher coûte que coûte ? Et sinon par quoi le remplacer, sans perdre le fil de notre histoire ?

S’il veut réduire les flux familiaux, pourquoi Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas saisi l’opportunité offerte récemment par le lancement d’une consultation par la Commission (livret vert sur le regroupement familial du 15 novembre 2011) ? […]

L’élection présidentielle n’est guère le moment d’un constat lucide et éclairé. Les candidats mettent en œuvre des stratégies susceptibles de les conduire (ou maintenir) au pouvoir. Point.

Marianne

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