Par Philippe Herlin, chercheur en finance, chargé de cours au CNAM. Il est l’auteur de L’or, un placement d’avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l’économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012).
Sauve qui peut ? Certains épargnants commencent déjà à anticiper un éclatement de la zone euro. Si les Français sont encore calmes, les Grecs, les Irlandais, les Espagnols ou les Portugais fuient déjà vers l’Allemagne ou le Luxembourg. Voici comment ne pas perdre au change…
Les épargnants européens commencent sérieusement à anticiper l’éclatement de la zone euro. Enfin, plus précisément ceux qui auraient beaucoup à perdre : les Grecs, les Portugais, les Espagnols et les Italiens.
On sait depuis longtemps que les Grecs diminuent progressivement leurs avoirs en Grèce pour les transférer dans d’autres pays. Ce que nous apprend ce graphique de Bloomberg c’est que l’Italie, l’Espagne, l’Irlande, le Portugal font face à des fuites de capitaux d’un montant croissant, en forte accélération depuis l’été 2011, qui a marqué un palier supplémentaire dans la crise de la zone euro. Et cet argent afflue vers les pays considérés comme sûrs : l’Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg.
Ainsi que la Suisse bien sûr, mais qui ne figure pas dans ce graphique qui ne prend en compte que la zone euro.
Les politiciens peuvent dire ce qu’ils veulent, les épargnants commencent à fuir les pays à risque pour se mettre à l’abri.
Certaines banques s’adaptent à ce mouvement et l’accompagnent. Par exemple, la Deutsche Bank au Portugal a abandonné son statut de filiale à part entière pour devenir une simple représentation commerciale, sous-entendu : « mettez votre argent chez nous et il sera transféré en Allemagne, ainsi en cas d’éclatement de la zone euro vous vous retrouverez avec des Deutsche Marks plutôt qu’avec des escudos qui ne vaudront pas grand chose ! »
Et la France ? Pas de mouvement de fond pour l’instant, même si les banques privées suisses constatent de nombreuses arrivées. On ne note pas de défiance, mais il faut garder à l’esprit qu’un éclatement de la zone euro s’accompagnerait de faillites bancaires, ou au minimum de comptes épargnes bloqués le temps de « stabiliser la situation », comme on l’a vu lors de la crise argentine.
Ceci dit, ouvrir un compte à l’étranger ne concerne que les personnes disposant d’un capital déjà significatif. Que faire quand ce n’est pas le cas ? Investir dans des actifs réels (immobilier, or) qui garderont toujours une valeur intrinsèque. Pour le reste ? L’argent en banque serait automatiquement transformé dans la nouvelle monnaie (en « nouveau franc »…), mais pour les billets, il y a une chose à savoir.
Prenez un billet : le numéro de série est précédé d’une lettre, il y a de forte chance que ce soit un U. Normal, c’est un billet géré par la Banque de France. Chaque banque centrale gère ses billets et une lettre permet d’en identifier la nationalité.
En cas d’éclatement de la zone euro, ces billets seraient convertis dans les différentes monnaies nationales… Les « U » en nouveau franc donc. Si vous avez un billet « Y », refourguez-le, il est grec ! Par contre, collectionnez les « X », ce sont de futurs Deutsche Marks.