Dans un ouvrage provocateur paru fin mars, quatre acteurs du monde culturel dressent un bilan très sombre du modèle culturel allemand. En réaction à une politique jugée élitiste et figée, ils avancent des propositions pour le moins brutales et controversées.
A défaut d’apocalypse, la suggestion entraîne en tout cas une jolie polémique outre-Rhin. Et pour cause, les auteurs de cette provocation sont des acteurs reconnus du monde de l’art : deux professeurs d’universités, un membre de l’administration culturelle et le directeur d’une fondation suisse. Dans un livre intitulé « Der Kulturinfarkt » (« L’infarctus culturel »),
les quatre hommes exposent leur vision d’une offre culturelle allemande qu’ils jugent élitiste et surdimensionnée.
Un pavé de 288 pages, jeté dans la mare tranquille des institutions allemandes.
Leur constat de départ est simple : le dogme du « Kultur für alle » (« Culture pour tous ») lancé en Allemagne dans les années 1970 est un échec.
Rendue possible grâce à la croissance économique de l’époque, cette politique a entraîné un accroissement considérable des institutions culturelles. Les auteurs parlent d’une multiplication par sept, voire dix, du nombre de musées depuis la fin des années 1970. Un chiffre que la réunification n’explique pas à elle toute seule. Surtout, ils reprochent à cette politique d’avoir été menée sans réel programme, sans vision à long terme.
La conséquence serait aujourd’hui une offre pléthorique et inadaptée, impossible à maintenir à flots en ces temps de crise économique.
Ce système « en faillite » entraînerait une politique culturelle molle, figée, d’où la métaphore de l’infarctus : tel le malade, la culture serait « un organisme qui ne peut plus se mouvoir, qui reste sur son canapé et se nourrit de subventions ». A quoi bon maintenir ouverts 6 000 musées sans budgets d’acquisition et avec des horaires d’ouverture de plus en plus réduits ?
« Trop de tout et partout la même chose », dénoncent-ils.
La solution serait donc de diminuer l’offre pour en améliorer la qualité et la diversité. Car les auteurs accusent également le système actuel de ne soutenir qu’un seul type de culture, la grande, la noble, en décalage total avec les attentes du public. « Les nouvelles générations ne veulent pas tant de grands théâtres, tant de grandes salles de concerts, ils veulent produire eux-mêmes », affirme Pius Knüsel, l’un des auteurs.
Réduire le nombre de structures permettrait selon eux de redistribuer l’argent dégagé dans cinq domaines primordiaux : les institutions restantes, les projets culturels à vocation d’intégration sociale, l’industrie culturelle, les écoles d’art et l’éducation artistique. (…)
Le journal des arts