Quand elle a vécu en 2002 la qualification de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle, notre contributrice Camille G., étudiante indignée, n’a pas compris les pleurs de ses parents. Mais hier soir, en découvrant que près d’un Français sur cinq a choisi Marine Le Pen, elle n’a pu s’empêcher de ressentir le même désarroi.
J’avais 13 ans en 2002, je me souviens de mes parents devant la télé, ils ont hurlé devant l’affiche des deux candidats du deuxième tour. Ils avaient voté Jospin, tous les deux. Je les revois pleurer devant les mots du candidat socialiste : «Je me retire de la vie politique.»
Je ne comprenais pas bien ce que Le Pen représentait, mais il avait fait pleurer mes parents. Cela dit, je trouvais ça disproportionné de pleurer à cause de la politique. Puis on m’a expliqué, le racisme, la xénophobie, l’homophobie. Le FN est donc devenu une sorte d’ennemi personnel numéro 1, quand j’ai commencé à comprendre qu’il prônait exactement l’inverse de ce dans quoi j’avais été élevée : la tolérance inconditionnelle. […]
J’ai donc fini de grandir dans la peur du Front, la peur des fafs, la peur des crânes rasés et des discours borderline sur l’immigration et les étrangers. […]
Hier soir, j’ai perdu espoir en la politique, et par dessus tout en mes concitoyen-ne-s. Sur les réseaux sociaux, on citait une vieille chanson de Saez : «20% pour l’horreur, 20% pour la peur, ivres d’inconscience, tous fils de France».
Le Nouvel Obs
