[Extraits d’interview d’André Bercoff et Ivan Rioufol]
Atlantico : Eva Joly a déclaré au soir du premier tour : “Les apprentis sorciers de l’identité nationale, à force de discours de haine ont permis à Marine le Pen de faire son meilleur score à l’élection présidentielle”. A-t-elle raison dans son diagnostique ?
Ivan Rioufol : […] Cela revient à dire qu’on refuse de se confronter aux faits et que ce que décrit Marine le Pen est un fantasme. On est dans le déni, c’est une très vielle posture. Cela fait 30 ans qu’on est dans cette position-là…
Nous sommes confrontés à deux crises : une crise économique d’une part, et une crise de la cohésion nationale à laquelle on ne veut pas réfléchir d’autre part. De mon point de vue elle est beaucoup plus importante que la crise économique qui se règlera techniquement.
[…] On aurait pu croire le candidat du Front de Gauche ait pu capter cet électorat. Seulement, le problème de Jean-Luc Mélenchon est qu’il n’a voulu voir qu’une partie de la crise.La crise de la cohésion nationale est posée par deux sujets tabous que sont l’immigration et l’islam radical.
Il [J-L Mélenchon] s’est largement penché sur la crise sociale et économique qui suscite des souffrances mais a omis cette crise identitaire, cette crise du vivre ensemble. Ces petits blancs qui vivent dans des relégations et qui parfois sont obligés de céder la place à un nouveau peuple.
Jean-Luc Mélenchon a fait le discours inverse en disant qu’il fallait accentuer cette communautarisation. Il a séduit l’électorat des cités mais pas l’électorat populaire traditionnel.
Il est intéressant de voir que tous les candidats qui comme François Bayrou n’ont pas voulu aborder ce problème identitaire, ou comme Jean-Luc Mélenchon et Eva Joly ont voulu flatter ce communautarisme musulman, ont été sanctionnés dans les urnes.
Cette élection démontre à ceux qui ne voulaient pas l’entendre, notamment les commentateurs et les sondeurs, que l’immigration et l’islam radical intéressent les Français. Ces deux thèmes portent Marine le Pen et signent l’échec de ceux qui niaient ces réalités-là. Comme je le dis souvent, les réalités sont plus fortes que les idéologies. […]
Atlantico : Peut-on parlerà propos de la perception du FN, d’une fracture géographique entre Paris et les grandes agglomérations, et la province ?
André Bercoff : […]Mais je pense que la fracture est surtout culturelle et identitaire, non pas entre immigrés et Français, ou entre “ethnies” différentes, mais il s’agit d’un choc des visions concernant ce qui est choquant ou pas. Selon moi, s’il n’y a plus de porc dans certaines cantines françaises, il y a quelque chose de gênant voire choquant.
[…] AtlanticoJe veux bien que les gens qui mangent halal et casher aient totalement ce droit mais je croyais que la République française était d’abord laïque et je ne comprends pas qu’on se soit battu pendant deux siècles contre les curés pour se coucher devant les imams et les rabbins.