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Ne pas nommer sa cible pour mieux la combattre : une stratégie de bonne guerre dans les batailles électorales, mais qui vise à côté de la plaque quand il faut prendre la mesure des discriminations ethniques et raciales, estime François Héran, ancien directeur de l’Institut national d’études démographiques (Ined). (…)

Où en sommes-nous en France dans la mesure des discriminations ethniques et raciales ? Des progrès majeurs ont été accomplis en quinze ans, mais le flou demeure. La loi Informatique et libertés de 1978, modifiée en 2004 à la lumière du droit européen, énonce un principe conforme à la Constitution : interdiction de traiter des données personnelles faisant apparaître les orientations politiques, religieuses, syndicales, sexuelles, l’état de santé ou les origines ethniques et raciales.

Mais ce principe est assorti d’une série de dérogations légales, qui prennent en compte la finalité de l’étude, le consentement individuel, l’anonymat des données, l’institution qui réalise l’étude.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) accorde ces dérogations au cas par cas aux organismes publics et sur un mode forfaitaire aux instituts de sondage.
Peu de gens le savent : sans ce régime dérogatoire, des pans entiers de notre savoir sur la société disparaîtraient. C’en serait fini des enquêtes par questionnaire sur les comportements politiques, le phénomène religieux, l’état de santé, le handicap, les comportements sexuels, etc. De la même façon, nous saurions peu de choses du sort des “secondes générations” nées en France sur le marché de l’emploi ou du logement. Depuis peu, heureusement, les enquêtes de l’Insee ou de l’Ined peuvent comparer la situation des “enfants d’immigrés portugais”, “descendants de migrants subsahariens”, “filles de père algérien et de mère française”, etc., avec celle du reste de la population.
C’est ce type de catégories qu’on appelle “ethniques” dans la statistique européenne. Rien à voir avec la vieille définition des groupes sans État (Kabyles, Peuls, Soninké, Hmong, etc.). Ce n’est pas un oxymore mais une réalité : la France dispose d’ores et déjà d’une statistique publique à la fois républicaine et ethnique. Républicaine, parce qu’elle mesure les situations à l’aune du principe d’égalité (l’analyse anonyme des données n’a rien à voir avec un traitement administratif qui différencierait le sort des intéressés). Ethnique, parce qu’elle mesure l’impact persistant des origines étrangères, y compris pour les citoyens français. (…)
Le nouvel Observateur

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