En avril 2002 François manifeste « plusieurs fois » contre Le Pen. 10 ans plus tard, ce fervent militant a sa carte au FN. Sur StreetPress Théo, lui, se souvient du « gros choc ». Qui ne l’a pas empêché de devenir fan d’Alain Soral.
21 avril 2002, un frisson d’horreur parcourt la France. François, passionné de politique, a les yeux rivés sur sa télé. Quand il découvre que Jean-Marie Le Pen est au second tour de la présidentielle, il grimace : « pour moi, Le Pen symbolisait le racisme. Ma famille, mes amis, tout le monde était choqué. » Alors quelques jours plus tard, il manifeste dans les rues de Lille.
Plusieurs fois, même. Avec ses potes du collège et ses parents, il crie comme les autres « Le Pen, facho, le peuple aura ta peau ! »
Le même jour, à Saint-Germain-en-Laye, en région parisienne, Théo ne manifeste pas mais il se rappelle d’un « gros choc. » Sur StreetPress il se souvient: « J’étais jeune, 14 ans seulement, mais vu la tête de ceux qui m’entouraient, je sentais qu’un truc grave était arrivé. Avec mes potes, ça volait pas très haut, mais on tenait tous des discours anti-Le Pen. » François, Théo : ces deux jeunes hommes ne se connaissent pas, et pourtant ils ponctuent leur récit par la même phrase, mot pour mot :
« mais à l’époque, je n’avais pas de réelle conscience politique. »
Pourtant, si tant est qu’il y ait un profil type, il n’a pas la gueule de l’emploi.
Obsédé par la bonne bouffe bio , par la préservation de l’environnement, grand amateur de joints (« mais j’ai arrêté début février ») et « dreadeux » pendant très longtemps. En 2007, pour sa première présidentielle, il vote d’ailleurs pour Dominique Voynet, la candidate écolo, puis pour Ségolène Royal . Depuis, il n’avait pas revoté.
Dimanche dernier, François, installé en région parisienne depuis quelques mois, a lui-aussi voté pour Le Pen. Lui-aussi pour la première fois. À l’écouter, on pourrait croire qu’il est frontiste depuis des décennies, mais en 2007, il a choisi Sarkozy . « J’étais déjà attiré par les idées de Le Pen, mais je me sentais un peu seul : toute ma famille est très à gauche, j’étais en prépa et personne autour de moi ne votait Le Pen.
Je n’étais pas encore prêt psychologiquement à franchir le pas.
» Mais il a très vite « déchanté. » Ecœuré, François a pris sa carte au FN en 2011.
Pour moi, ce sont eux, les vrais fascistes. »
Au même moment, il lit les programmes, va aux réunions du FN : « je me suis rendu compte que les gens étaient bien plus sympa que ce que je croyais. » Progressivement, mois après mois, il se fait des potes, est attiré par la vision de la France de « Marine », découvre petit à petit Le Pen père (« aujourd’hui, c’est comme un papy gâteau pour moi »), laisse son esprit dériver jusqu’aux idées frontistes.
« En réalité, j’ai l’impression de ne pas avoir changé d’idées sur le monde, sur le protectionnisme, sur les mœurs. J’ai juste changé d’avis sur la personne qui défend le mieux mes idées.
Je ne comprends pas comment Mélenchon peut défendre le protectionnisme et souhaiter l’ouverture des frontières pour tous les immigrés. C’est complètement contradictoire. »
S’il parle de Mélenchon, c’est parce que ses parents, très à gauche, en sont de farouches défenseurs. « Pour eux, Le Pen, c’était le diable. Pour mes potes d’enfance, c’est pareil. On ne parle pas trop de politique, pour éviter les conflits. Enfin, moi je voudrais bien débattre, mais ils n’ont pas beaucoup d’arguments. Un jour, y’en a un qui m’a dit :
« je veux pas t’écouter parce que t’es capable de me convaincre. » (…)