Bernard Guetta accuse les partis «d’extrême droite» européens, et leurs électeurs, de ne pas comprendre les nouvelles réalités engendrées par la mondialisation et de fuir dans «un passé révolu et mythifié».
Le pire est que ce n’est pas qu’en France mais dans toute l’Europe que s’affirme une nouvelle extrême droite qui n’a fait que substituer les Arabes aux Juifs comme incarnation de tous les maux.
On peut se rassurer comme on peut. On peut se dire que l’extrême droite n’a pas tant progressé que cela puisqu’elle ne fait que renouer avec ses scores d’avant 2007. […] On peut se consoler avec ces calculs mais le fait majeur de ce premier tour est que les droites additionnées sont largement majoritaires en France, que la droite ne répugne plus à faire campagne sur les thèmes de l’extrême droite, que le Front national s’est imposé en force incontournable et que toute la droite s’en déporte vers des terres où elle ne s’aventurait pas hier. Pour un pays où la Collaboration avait délégitimé l’extrême droite tandis que le gaullisme recentrait la droite, la régression est aussi brutale que tragique . […]
Non seulement le poids de l’Europe diminue toujours plus vite sur la scène internationale mais la réduction des distances, la concurrence industrielle des puissances émergentes, l’affaiblissement des puissances publiques nationales sous le coup de la déréglementation économique, les délocalisations et la désindustrialisation qui s’est ensuivie dans tout le Vieux Monde diminuent l’emploi, les salaires et la protection sociale des Européens.[…]
Le plus grave avec cette nouvelle droite n’est pas qu’elle ait redonné droit de cité au racisme sous couvert de défense de la laïcité et banalisé la triomphale bêtise du «Tous pareils, tous pourris». Ce n’est pas même qu’elle divise les nations en opposant un peuple qui serait naturellement patriote à des élites dont la traîtrise ne serait plus à prouver puisqu’elles ont vendu la patrie à la finance et à l’immigration. Non, le plus grave n’est pas cette musique des années 30, mais le fait que la nouvelle droite conduise l’Europe au déclin en la détournant du seul chemin qui lui permettrait de l’éviter. […]
Au nom du patriotisme, les nouvelles droites ne font rien d’autre, et c’est leur crime, que de désarmer l’Europe alors même qu’il faudrait réunir toutes ses forces.
Libération