Investisseurs et marchés financiers croient-ils aux programmes des candidats ? Spéculent-ils sur les amitiés de l’un ou de l’autre dans le monde des affaires ? Une étude de l’École d’économie de Paris montre qu’en 2007 les entreprises considérées comme proches de Nicolas Sarkozy ont particulièrement profité de sa victoire.
Les « marchés financiers » s’intéressent-ils à l’élection présidentielle ? Et parient-ils sur la victoire d’un candidat au second tour ? Deux chercheurs de l’École d’économie de Paris, Renaud Coulomb et Marc Sangnier, se sont intéressés à un éventuel impact de la campagne électorale de 2007 sur plusieurs grandes entreprises françaises [1]. Ils ont étudié la variation des actions en bourse de 72 entreprises (CAC 40 et SBF 120) avant et après l’élection de Nicolas Sarkozy. Leur objectif : voir dans quelle mesure les entreprises ont profité ou pas des perspectives de victoire de l’un ou de l’autre.
Trois groupes de multinationales ont été distingués : celles qui bénéficiaient de mesures annoncées par le programme de Ségolène Royal, celles qui profitaient des propositions du futur président, et celles qui sont considérées comme faisant partie du réseau proche du candidat de l’UMP. Les chercheurs se sont ensuite intéressés aux variations de leurs cotations en bourse, « qui reflètent l’espoir placé en [la] performance future » de chaque candidat, comparées à l’évolution de la probabilité de victoire de l’un ou de l’autre, à partir du 1er janvier 2007.
Ils se sont aperçus que, plus l’échéance électorale approchait, plus les transactions boursières quotidiennes s’intensifiaient. Surtout, plus la probabilité de victoire du candidat Sarkozy se renforçait, plus les valeurs boursières des entreprises faisant partie de son réseau progressaient de façon anormale, comparativement à l’évolution générale de la Bourse. Et si Ségolène Royal avait été élue ? « Une telle victoire n’aurait pas eu d’impact particulier » sur la rentabilité financière des entreprises censées bénéficier de son programme, ont estimé Renaud Coulomb et Marc Sangnier.
Les amis de Sarkozy sur-valorisés de 7 milliards d’euros
« Les résultats de cette analyse sont éloquents. (…) Les entreprises détenues ou dirigées par les amis les plus proches de Nicolas Sarkozy (Bernard Arnault, Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Serge Dassault, Jean-Claude Decaux, Paul Desmarais, Arnaud Lagardère et François Pinault) sont les plus favorisées par son élection », constatent les économistes [2]. L’ensemble des entreprises dont les dirigeants sont considérés comme proches du nouveau pouvoir [3], et qui étaient présents lors de la soirée du Fouquet’s, ont ainsi bénéficié d’une surcapitalisation de 7 milliards d’euros.
Conclusion ? Bien davantage que le programme économique des candidats, les investisseurs s’appuient sur les réseaux d’amitié entre dirigeants et politiques. « Les investisseurs qui ont cru en l’élection de Nicolas Sarkozy et auraient eu vent de la liste des invités du Fouquet’s ont pu faire de belles plus-values en quelques mois en 2007. » Sur qui les « marchés » parieront-ils en 2012 ?
Voir l’étude de l’École d’économie de Paris et la méthode de calcul (en Anglais).