Pour l’économiste et historien Nicolas Baverez, ce qui se joue ce dimanche est rien de moins que le maintien, au prix d’immenses efforts, de la France dans le peloton de tête des pays développés… ou son inexorable déclin. «La France et l’Europe vont devoir décider au cours des prochaines années de se réinventer ou de sortir de l’Histoire universelle.»
La France de 2012 doit cesser de vivre dans le passé ou de cultiver des chimères pour se penser et agir dans le monde du XXIe siècle. Et les Français sont à la veille d’un choix décisif: soit se secouer et s’engager par la voie démocratique dans les réformes; soit prendre le risque d’une tutelle étrangère, voire d’une contre-révolution nationale destructrice de la liberté, avant de se relever.
La Ve République est un régime conçu pour l’action en temps de crise. Le président de la République, qui incarne la nation et répond du pouvoir de l’État, en constitue la colonne vertébrale. Son élection structure le système politique tout en mettant les citoyens en situation d’examiner les grands enjeux de l’heure et de décider de leur destin. Or, l’élection présidentielle de 2012 se présente comme une dangereuse dérobade. Jamais depuis les années 1930 la France n’a été aussi affaiblie, notamment vis-à-vis de l’Allemagne, et aussi en porte-à-faux par rapport à l’économie mondiale et à l’environnement international.
Jamais depuis les années 1930 la classe politique n’a fait preuve d’une telle légèreté et le débat public ne s’est enfermé dans un tel déni du réel. Les Français ne s’y trompent pas. Leur forte mobilisation du premier tour, avec un taux de participation de 80%, témoigne d’une conscience aiguë de la gravité de la situation et du caractère décisif du moment. Leur vote à 33% contre les partis dits de gouvernement exprime leur désarroi et leur déception face à l’insuffisance des projets en présence. […]
De cette Europe aspirée par le vide et la désintégration, la France est désormais le grand corps malade. La crise a en effet donné un spectaculaire coup d’accélérateur à son déclin économique et social. […]
Le choix cardinal qui se présente aux Français reste celui de leur rapport à la société ouverte du XXIe siècle. La France s’est engagée dans une voie totalement régressive avec la multiplication des propositions protectionnistes, les appels à la reconstitution des frontières, le déchaînement de la démagogie hostile à l’Europe et de la xénophobie. La volonté d’ériger des lignes Maginot contre la mondialisation est aussi chimérique que dangereuse. Elle réédite l’erreur tragique des années 1930 […].
Le Figaro