L’auteur de Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, (folio/ Gallimard), directeur de recherche au CNRS, s’insurge contre la politique et la campagne de Nicolas Sarkozy. L’historien Patrick Weil s’indigne de la stigmatisation des immigrés et espère publiquement l’élection de François Hollande.
El-Watan : Le débat sur l’immigration est revenu en force dans ce second tour… Le candidat sortant a décidé de réduire de moitié l’immigration légale. Qu’en pensez-vous ?
Patrick Weil : Nicolas Sarkozy dans son clip de deuxième tour ne parle que des étrangers, de l’immigration et de leur dangerosité. François Hollande a été obligé de réagir et il a été convaincant : il n’y a pas trop d’étrangers légaux en France, il y a trop d’étrangers en situation irrégulière.
Il est impossible de diviser l’immigration légale par deux, le regroupement familial est garanti par la Constitution de même que le droit d’asile. On peut réduire les étudiants ou les travailleurs, mais ils sont là dans l’intérêt de la France.
En revanche, il est possible de faire mieux contre l’immigration illégale.
El-Watan : Et pour le vote des étrangers…
Patrick Weil : Il y a un peu plus de 3 millions d’étrangers en France qui n’ont pas demandé à être Français, c’est leur droit. Les étrangers communautaires (venant de l’Union européenne) ont déjà le droit de vote. Or, ils ont souvent peu ou moins de relation avec la France que des étrangers non européens, qui y vivent depuis vingt ou quarante ans, parlent le français et paient leurs impôts. Le droit de vote des étrangers résidents aux élections municipales est donc une question d’égalité et de justice.
Mais pour que cette réforme soit adoptée, il faut plus qu’une loi, il faut modifier la Constitution, donc une majorité qualifiée de 60% au Parlement ou un référendum.
El-Watan : Mais le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, dit que cela peut donner lieu à une majorité municipale «d’étrangers»…
Patrick Weil : Je le mets au défi de donner un exemple, de citer une commune où cela peut être possible. Sauf si Claude Guéant comptabilise les votants non sur le critère de la nationalité, mais eu égard à leur lien à une religion. Cela me rappelle un exemple du temps de l’Algérie coloniale. Malgré le fait que les musulmans étaient minorés dans un collège spécial de 1/3 de chaque conseil municipal, à Mekla (Kabylie), la majorité du conseil était composée de musulmans. Eh bien, le tribunal administratif a annulé l’élection du maire par ailleurs pied-noir, pour le motif qu’il avait été élu par une majorité de musulmans. Cette décision avait énormément choqué l’ancien gouverneur Viollette.
Comme l’association qu’a faite Nicolas Sarkozy entre droit de vote des étrangers et risque d’«islamisation» a choqué justement François Hollande. Comme si parmi les citoyens français ou les étrangers qui peuvent se rattacher à l’islam, il n’y avait pas une diversité, des croyants, des pratiquants et des non-pratiquants, des athées aussi […]
El-Watan