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Attirés par le bas prix des terrains agricoles, de nombreux Européens n’hésitent plus à monter une exploitation en Roumanie. Ils contribuent ainsi à réinventer la culture locale, en particulier par le bio.

Une ferme de Transylvanie.

Impossible de traverser la Roumanie sans croiser ces fermiers venus de l’Ouest qui réinventent l’agriculture de ce pays. Grâce à leur savoir-faire et à leurs investissements, l’agriculture roumaine a connu en 2011 une croissance de 11 %, et ce n’est qu’un début. Fini les terres en friche et la sensation d’abandon dans les campagnes.

La Roumanie, riche de quelque 15 millions d’hectares de terres cultivables, est en train de devenir le nouvel eldorado des agriculteurs en Europe. Des milliers de Français, Italiens, Espagnols, Britanniques, Allemands, Danois plient bagages et se ruent vers ce pays entré dans l’Union européenne en 2007, dans le but d’y implanter des exploitations.

Maxime Laurent est sorti du lycée agricole de Nermont Châteaudun (Eure-et-Loir) en 2009, à 19 ans, baccalauréat en poche. Un mois plus tard, il chargeait les derniers camions d’outillage agricole. Direction la Roumanie, plus précisément Macesu de Sus, un village du sud-ouest du pays. Le cas de Maxime Laurent est loin d’être isolé.

Maxime, qui se destine depuis son plus jeune âge à l’agriculture, ne pouvait rêver mieux. “Ici, à 19 ans, je me suis retrouvé à la tête d’une ferme de plus de 1 400 hectares. Pour faire en France ce que j’ai fait en Roumanie en trois ans, il aurait fallu deux ou trois générations.” A Macesu de Sus, il cultive blé, orge, tournesol et colza. Et il voit grand. Il compte bientôt bénéficier des fonds que la Commission européenne destine à la remise à niveau de la Roumanie. Son projet devrait lui permettre d’augmenter de 7 000 tonnes la capacité de stockage et d’irriguer 500 hectares de terres supplémentaires.

Malgré les difficultés, il ne regrette rien. “Les premiers mois, j’étais un peu dépassé, confie-t-il. Si j’étais resté en France, qu’est-ce que je ferais aujourd’hui ? J’aurais terminé mes études et trouvé un travail pour 1 200 euros par mois. Tu paies un loyer, tu manges, tu t’habilles, et à la fin du mois, il ne te reste plus rien. Ce n’est pas une vie, ça.

Croissance de 11% de l’agriculture roumaine

Les Roumains vendent actuellement leurs terres agricoles pour 2 000 euros l’hectare en moyenne, un prix imbattable dans l’UE. Les subventions européennes, elles, s’élèvent à 180 euros par hectare, la moitié du montant que l’on peut obtenir en Europe de l’Ouest. Mais à partir de 2014 la nouvelle politique agricole commune (PAC) devrait mettre au même niveau l’ouest et l’est de l’Europe.

Pour acheter en Roumanie, un agriculteur occidental est obligé de créer une société dans le pays, mais, à partir de 2014, toute personne résidant dans l’UE pourra acquérir directement des terres. C’est pourquoi les fermiers se dépêchent d’acheter avant que la spéculation ne fasse exploser les prix.

Les plus pressés sont les Suisses, qui n’ont plus les moyens de payer plusieurs dizaines de milliers d’euros un hectare de terre helvétique. A Firiteaz, petit village situé dans l’ouest du pays, les Hani, originaires du canton de Lucerne, sont venus en famille il y a une dizaine d’années : le père, la mère, deux enfants et deux petits-enfants. Ils ont acheté 800 hectares de terre.

En Europe occidentale, il n’y a plus de place pour les jeunes, regrette Christian Hani, 29 ans. Ici on peut construire quelque chose à partir de rien. Je crois que pour nous, les jeunes, c’est très important de créer quelque chose de neuf.

Redevenir le grenier de l’Europe

Le marché du bio est en plein boom en Europe de l’Ouest, et les Hani sont constamment en rupture de stock. Ils ont fait venir de Suisse tous les équipements nécessaires pour faire de l’agriculture biologique à grande échelle.

Les céréales que l’on fait ici venaient jusqu’à maintenant du Canada, des États-Unis et de Chine, explique Lukas Kelterborn, un Allemand spécialisé dans le marketing qui a rejoint les Hani et s’occupe de la vente de leurs récoltes. Il est donc normal qu’on essaie de les produire en Europe. Il y a des perspectives extraordinaires en Roumanie, et il faut se rappeler que ce pays a été le grenier de l’Europe entre les deux guerres mondiales. Il est en train de le redevenir.

A Macesu de Sus, Maxime y croit aussi. Avec sa compagne roumaine, il va construire une maison sur ses terres. Il en a déjà une dans le village et un appartement dans la ville voisine de Craiova.

En Roumanie, j’ai une vie beaucoup plus souple, et puis je découvre des traditions que l’on n’a plus en France, dit-il. Je n’ai jamais découpé un cochon ou un mouton de ma vie, alors que les Roumains le font toujours à la campagne… En France, personne n’a plus de lien avec personne. Je suis vraiment heureux ici.” Parole de paysan.

Le grenier ou le désert de l’Europe ?

En Europe, l’étude agro-chimique des terres est la condition sine qua non pour tout agriculteur souhaitant enrichir une parcelle avec des engrais. “C’était le cas aussi en Roumanie, mais après la Révolution de 1989, la fragmentation des terres [due à la collectivisation communiste] a généré une situation absurde, raconte România liberă. Un petit fermier se retrouve à payer l’analyse quinze fois plus cher qu’un grand propriétaire terrien”.

Seule 25% de la surface agricole a donné lieu à des études agro-chimiques. Il s’agit des terrains achetés par de grands propriétaires ou par des étrangers, qui ont déjà acheté un quart de la surface cultivable”, remarque le quotidien bucarestois. Conséquence : la terre est moins fertile et s’appauvrit. “A ce rythme, la Roumanie risque fort de devenir une terre déserte et de perdre la chance d’être le grenier de l’Europe”.

Press Europ

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