Une courte victoire démographique
Par Laurent Chalard, géographe, European Centre for International Affairs
François Hollande a été élu président à une courte majorité, avec un score de 51,6%. Ce résultat s’explique en partie par un facteur oublié des analystes politiques, la démographie, au rôle pourtant majeur, en France comme aux Etats-Unis. Le corps électoral évolue en fonction de la croissance démographique. […]
Du fait des naturalisations (plus de 100 000 par an) et d’une hausse naturelle sensiblement supérieure aux populations d’ascendance européenne, leur part dans l’électorat s’accroît, faisant plus que compenser le vieillissement de la population, ce que n’ont pas su voir les dirigeants de droite, leur stratégie reposant sur l’espoir que cette population s’abstiendrait.
[…] Il s’est produit à l’occasion de l’élection présidentielle de 2012, le même phénomène qu’à celle de 2008 aux Etats-Unis, où Barack Obama a été élu grâce à l’apport des minorités ethniques, alors qu’il était minoritaire dans la catégorie «blanc non hispanique». François Hollande devra tenir compte de l’espoir qu’il porte pour cette jeunesse d’origine extra-européenne qui a des réelles difficultés d’insertion dans le pays, au risque sinon de la faire définitivement basculer dans le communautarisme, processus déjà engagé, mais encore potentiellement réversible. Quant à la droite, elle devra prendre en compte l’existence de cette population, appelée à croître dans l’électorat, si elle souhaite reconquérir le pouvoir. La stratégie de droitisation de son discours et d’éventuelle alliance avec l’extrême droite est donc suicidaire à long terme.Sans le vote des immigrés extra-européens naturalisés et de leurs enfants et petits-enfants nés français (leur pourcentage dans l’électorat est impossible à déterminer), le candidat socialiste aurait été difficilement élu président, étant donné le vieillissement de la population.
Libération
(merci à Artichaud)