Le montant des taxes anti-dumping imposées par Washington aux importations de panneaux chinois est plus élevé qu’attendu. Les fabricants et l’État chinois protestent contre ces mesures qu’ils jugent “protectionnistes” et menacent de mesures de rétorsion.
Les taxes antidumping annoncées jeudi par le département américain au commerce à l’encontre des panneaux solaires importés de Chine sont nettement plus élevées qu’attendu : de 31 % pour les produits de Trina Solar à 250 % pour les nouveaux fabricants qui s’attaqueraient au marché américain en passant par 31,22 % pour le leader mondial Suntech.
Cette décision résulte d’une enquête ouverte par le département au commerce à l’automne dernier à la suite d’une plainte déposée par la filiale américaine de l’allemand Solar World, bientôt suivie par six autres fabricants américains. En cause : les conditions accordées aux fabricants chinois par leur gouvernement, qui leur permettent de casser les prix sur le marché international, et en premier lieu aux États-Unis.
Depuis, le sujet n’a fait que s’amplifier à mesure que s’allongeait la liste des victimes de la crise sans précédent que traverse la filière. Marquée par une surcapacité de production, un effondrement des prix et une baisse de la demande, elle débouche sur une sévère érosion des marges et un creusement des pertes qui peut entraîner la faillite des plus fragiles. Aux États-Unis, où l’hécatombe a débuté avec la chute retentissante de Solyndra, les victimes ont nom Evergreen, Spectrawatt ou ECD ; en Allemagne, Solon, Solar Milennium ou encore le géant Q-cells…
La Chine pointée du doigt dans les faillites occidentales
Le rôle de la Chine dans la situation actuelle est tout sauf anodin. Ce sont en effet les fabricants chinois qui inondent les marchés du monde entier de panneaux environ 40 % moins chers que ceux fabriqués en Occident, et réussissent encore le tour de force de continuer à faire baisser ces coûts, de quelque 80 % en cinq ans. En 2011, les États-Unis ont ainsi importé pour 3,1 milliards de dollars de cellules et panneaux fabriqués en Chine, deux fois plus qu’en 2010 et cinq fois plus qu’en 2009 !
Les fabricants et les gouvernements occidentaux voient là le résultat des conditions exceptionnelles dont les gratifie l’État chinois, et qu’ils jugent contraires au bon fonctionnement d’une économie de marché : des terrains alloués à bas coût, des prêts très généreux, le financement des activités de R&D, des crédits d’impôts…
En mars déjà, le gouvernement américain avait annoncé des taxes de 2,9 % à 4,73 % sur les importations des trois principaux fabricants chinois, jugées acceptables par les premiers concernés.
Menaces sur le développement du solaire aux États-Unis
Cette fois, la réaction est toute autre. Les taux annoncés, qui doivent être confirmés d’ici à la fin du mois de juillet, au plus tard en septembre, seront rétroactifs jusqu’aux livraisons intervenues à partir de mi-février. Les dirigeants des principaux fabricants chinois jugent la décision (qui vise plus de soixante entreprises) injuste et disproportionnée.
Ils mettent les États-Unis en garde contre la hausse inévitable des prix qui s’ensuivrait si elle était confirmée (ils l’estiment entre 6 à 8 dollars par kilowatt), et le coup de frein dans l’adoption massive des énergies renouvelables, alors que des prix bas ont permis une hausse de 109 % du marché américain en 2011. En outre, ils pourraient contourner les taxes en exportant leurs produits via des pays tiers comme Taïwan.
Après les États-Unis, l’Europe ?
Quant au gouvernement chinois, il tempête pour faire accepter l’idée que le pays soit passé d’une économie administrée à une économie de marché. Pire encore, la Chine, qui pourrait attaquer devant l’OMC (Organisation internationale du commerce), pourrait également répondre par des mesures de rétorsion portant sur certains composants des panneaux (notamment le polysilicium), dont les États-Unis exportent pour deux milliards de dollars chaque année vers la Chine. D’ailleurs Pékin a d’ores et déjà répliqué à l’enquête du DOC par une enquête similaire portant sur le solaire (le silicium en particulier) et l’éolien. Et cette guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis pourrait s’étendre à d’autres secteurs d’activité encore.
Dans ce contexte, autant dire que les accords entre les deux pays pour développer les énergies renouvelables semblent plus fragiles que jamais.
En attendant, Solar World, la maison mère de la filiale américaine à l’origine de toute l’affaire, se réjouit de cette décision, dans laquelle elle voit un signal positif pour une plainte similaire qu’elle entend déposer en Europe dans le cours de l’année.
La Tribune
(Merci à Romégas)