«Le mépris du peuple, comme des élites, pour les noirs est une constante de la société marocaine. Une réalité trop souvent tue ou minorée.»
C’est le constat auquel ont été forcés les journalistes du magazine marocain Actuel en discutant avec des collègues subsahariens.
S’ils soupçonnaient une réalité taboue, ils n’avaient pas conscience de l’ampleur du «quotidien, des situations vues, parfois vécues, des humiliations subies», par les noirs au Maroc.
Du coup, l’hebdomadaire a consacré son édition du 11 mai 2012 à un dossier sur le sujet du racisme et pour se mettre dans «la peau d’un noir» a donné la parole au journaliste Bassirou Bâ.
En douze années de séjour sur le sol du royaume chérifien, le Sénégalais arrivé en 2000 pour y suivre ses études de journalisme, aura vécu et été témoin «des violences sans fin», morales, verbales, et parfois physiques dont sont victimes les Africains subsahariens.
A peine arrivé, en guise d’accueil, il essuie des jets de pierre de la part de gamins «qui criaient à tue-tête: “Cannibales! Cannibales!” Pour notre troisième jour au Maroc, c’était un drôle d’accueil, une rebuffade que j’ai toujours du mal à oublier.»
Décidé à ne pas se formaliser sur un incident isolé, il tombe de haut quand il apprend que ce mépris est partagé jusque dans le troisième âge. A une vielle dame qui entrait dans le bus, une jeune subsaharienne qui cède sa place a droit pour toute gratitude:
«De toute façon, elle n’est qu’une esclave et donc elle devait céder sa place à n’importe quel Marocain dans ce bus!»
Pour certains Marocains, même la générosité est une offense, quand elle provient d’un noir. C’est ainsi qu’un Comorien faisant l’aumône à une mendiante reçoit en guise de remerciement ce commentaire:
«Oh mon Dieu, qu’ai-je fait pour mériter un tel sort: un noir, un fils d’esclave, qui me fait l’aumône?!»
Et que dire alors de Sacko, étudiant malien et Kromah, libérien, respectivement passés à tabac et poignardés aux alentours du campus pour le seul motif qu’ils sont noirs? (…)
Slate Afrique