Pour Eric Fassin, sociologue à Paris-VIII, François Hollande doit prendre exemple sur Barack Obama qui s’est déclaré favorable à l’ouverture du mariage homosexuel et poursuivre «l’offensive» de la gauche dans le domaine de l’immigration.
Si la xénophobie n’a pu faire réélire Nicolas Sarkozy, c’est que l’immigration n’est pas au premier rang des préoccupations des Français. Mieux : les sondages montrent une approbation croissante, au fil des années, pour le droit de vote des étrangers aux élections locales.
Elu par la jeunesse en 2012 (contre le candidat de «la France qui se lève tôt», favori des retraités), c’est à François Hollande de faire un pari d’avenir. Son gambit, c’est d’abord le mariage gay : on retrouve en France la même courbe des âges et des générations qu’aux Etats-Unis. Ce sera un piège tendu à la droite : dès 1999, Nicolas Sarkozy tirait les leçons du pacs en rompant avec le repli homophobe, désastreux pour l’image de l’UMP. Or, avec le retour du mariage gay, la droite pourrait bien s’enfermer dans un tête-à-tête non moins suicidaire entre Christine Boutin, Christian Vanneste et Marine Le Pen. Bien sûr, ce choix aura un coût politique ; mais pour la gauche, les bénéfices l’emporteront largement. […]
Et s’il en allait de même, demain, pour le «problème de l’immigration» ? Sans doute dira-t-on que c’est aller à contre-courant de l’histoire : près de la moitié des électeurs viennent de valider la stratégie Buisson, en soutenant l’extrême-droitisation de la droite. Reste qu’un gambit politique n’a pas vocation à faire consensus ; il vise à déplacer les lignes. Si, en réaction, l’ouverture du mariage ne mobilise plus guère que les réactionnaires, pour en finir avec le problème de l’immigration, il faudra sacrifier davantage de pions.
François Hollande pourrait même invoquer l’identité nationale : dans la patrie de l’universel, comment les droits humains pourraient-ils s’arrêter aux frontières de la nation ? Ce serait (enfin) l’inversion de la question immigrée : non plus «Comment peut-on être étranger ?» Mais : «Comment peut-on être xénophobe ?» […]
Libération