Jean-François Kahn revient sur les motivations des électeurs venant de la gauche qui ont voté FN.
Comment un jeune électeur FN, qui a manifesté contre Jean-Marie Le Pen à l’entre-deux-tours 2002, venant d’un giron de pensée vraiment marqué à gauche, peut-il être amené à voter Marine Le Pen en 2012, et en imputer la responsabilité à la gauche ?
Tout d’abord le fait qu’un certain nombre de gens puissent glisser de la gauche et l’extrême-gauche vers l’extrême droite est un phénomène classique que l’on peut observer dans l’Histoire de France. […] Et ils n’étaient pas les seuls ! Inversement, des anciens de l’Action Française et de l’extrême-droite furent des héros de la Résistance ; ils se sont recyclés plutôt à gauche après la guerre, à l’instar de l’écrivain Claude Roy. […]
Le reproche souvent fait à la gauche sur son angélisme et son dogmatisme sur des sujets sensibles tels que l’immigration et l’insécurité, en arguant d’une négation de la gauche des réalités du terrain et des dérives communautaristes et racistes anti-blancs observés dans les banlieues. Qu’en pensez-vous ?
[…] il est vrai qu’il y a toute une tendance de la gauche qui refuse en effet de se frotter au réel. Cette tendance est à la fois très forte, car représentée par des associations qui font un lobby terrible, et minoritaire chez les électeurs. En outre elle trouve toujours un collectif de sociologues pour s’en faire l’écho et justifier ce déni de réalité. […]
D’une certaine manière le FN leur apparait comme le vote le plus révolutionnaire. Il est clair que toute une fraction du vote FN est révolutionnaire, venant parfois d’extrême-gauche. Simplement parce qu’il est celui qui dérange le plus les élites. Dans la mesure où le PS a gouverné et est représenté par une France technocratique et qu’il a pris une orientation sociale-démocrate un peu grise, le caractère révolutionnaire du vote FN en est donc renforcé. […]
Il faut absolument comprendre une chose. On lit régulièrement dans la presse que l’UMP et Nicolas Sarkozy se sont alignés sur le discours du Front National. C’est faux ! Tout d’abord sur les questions sociales, économiques, européennes, ils ne se sont pas alignés. En revanche, ils l’ont débordé sur sa droite : l’attaque contre les syndicats, la mise en cause des corps intermédiaires, l’opposition du vrai et du faux travail…, jamais Marine Le Pen ne s’est aventurée sur ces terrains. De fait, la droite ne peut faire autrement que s’allier avec le Front National dans l’avenir.
Quant à la gauche, elle se fait des illusions totales. La gauche croit que la droite va perdre les élections parce qu’elle n’osera pas s’allier avec le FN de peur de se faire traiter de fasciste. Ce n’est pas vrai. La droite va s’allier avec le FN parce qu’elle n’a pas le choix, et c’est ce qui lui fera gagner les élections en 2017. La gauche va récupérer, aux législatives, la part de son électorat qui est partie au FN, mais seulement au deuxième tour.
atlantico (Merci à Zatch)