Rokhaya Diallo n’est pas seulement une militante en lutte contre les discriminations et chroniqueuse aux propos acérés et aux réflexions décapantes. C’est aussi une intellectuelle dont les analyses résistent à la longueur d’un livre. Dans À nous la France elle sort du champ contestataire pour livrer une véritable réflexion documentée sur l’apport, aussi bien interne qu’international que les « minorités » pourraient apporter à la France.
1. Vous dites refuser d’employer le terme « diversité » malgré la popularité de ce terme qui est passé dans le langage courant, pourquoi ?
Ce n’est pas tout à fait le terme que je refuse mais surtout son usage.
La lutte en faveur de la diversité a supplanté dans le vocabulaire courant la lutte contre le racisme ou les discriminations.
Il est sans doute plus facile de se prononcer en faveur de la diversité, que de lutter contre des pratiques discriminatoires illégales, ce qui de fait obligerait à désigner des responsables. Le sous-entendu positif du mot « diversité » met tout le monde d’accord, sans obligation de résultat. Personne ne peut raisonnablement s’opposer à la diversité, mais sous cet angle on oublie d’indiquer que l’absence de diversité est en premier lieu due à des pratiques conscientes ou non qui tiennent les minorités à l’écart.
Le mot « diversité » permet de contourner les réalités, d’éviter d’affronter des dénominations plus précises.
Ainsi, on évite soigneusement de parler d’« Arabes » de « Noirs » , d’« Asiatiques » ou de « non-Blancs »
(même si je reconnais la première que ces termes peuvent être sujets à débats) parce qu’on refuse d’être mis face à des réalités qui dérangent. (…)
2. Vous écrivez que votre France est aussi une France de bons et de chevelure frisée et de noms difficiles à prononcer (et vous ajoutez avec malice qui ne l’aime pas peut dès lors s’appliquer à lui-même une fameuse injonction : la quitter) pouvez-vous précisez votre vision ?
C’est une remarque ironique évidemment, je ne suis pas partisane de ce type de chantages. Ce que je constate avec cette réflexion c’est le fait que celles et ceux qui fustigent la présence et la visibilité des minorités en France témoignent en réalité d’un rejet de la France telle qu’elle est. Les musulmans, les Roms, les banlieusards qui sont en permanence montrés du doigt font partie intégrante de la France. Donc suivant la logique de ceux qui proclament « la France tu l’aimes ou tu la quittes »
ce ne sont pas les minorités qui devraient quitter la France où ils sont chez eux, mais ceux qui ne supporte pas de les côtoyer dans ce pays…
Ceci dit ça reste un conseil amical, je ne me permettrais jamais de pousser quiconque vers la sortie, le débat démocratique y compris quand il est critique vis à vis de la République doit avoir droit de cité. (…)
Médiapart
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