Le 19 mai, à 200 mètres des ruines de l’usine Piraiki Patraiki, immense étendue de murs écroulés, au cours d’une bagarre, un migrant afghan a poignardé à mort un jeune Grec. Trois nuits durant, l’usine a été prise d’assaut par des habitants en colère, rejoints par 300 jeunes casqués et armés de barres de fer, amenés par bus entiers, militants d’Aube dorée, le parti néonazi entré au Parlement lors des élections du 6 mai.
La police s’est interposée, chaque camp a ramassé ses blessés. Puis les policiers sont revenus, pour mettre les migrants dehors : près de mille réfugiés afghans, pakistanais, bangladais, africains, maghrébins.
Depuis, les quelques milliers de migrants en transit à Patras se terrent, chassés du centre par des agressions récurrentes et l’hostilité ambiante. «Avant, c’est nous qui avions peur, à leur tour de raser les murs», se réjouit Kostas, vendeur de fruits et légumes. Aube dorée est arrivé en ville il y a quatre mois, prenant ses quartiers rue de l’Allemagne. Depuis que le bureau a été mis à sac par des militants anarchistes, en mars, sa porte blindée reste le plus souvent close.
«Des dizaines de personnes ont immédiatement rallié le parti ou d’autres groupes racistes, comme s’ils n’attendaient que cela», témoigne Harry, de Praxis, association d’aide aux migrants mineurs. L’association, comme les trois autres que compte la ville, a dû suspendre ses activités après les incidents : les travailleurs sociaux, menacés, ne partent plus à la recherche des migrants, et ceux-ci limitent leurs déplacements. […]
La Grèce se révèle incapable de prendre en charge les quelque 400 000 illégaux qui vivent sur son sol – en plus du million d’immigrés légaux, pour une population de 11 millions d’habitants. Ceux qui sont arrêtés reçoivent l’ordre de quitter le territoire sous trente jours puis disparaissent dans la nature. […]
Le Monde