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“Si certains pouvaient penser que ce genre de fusillade était réservé à des villes comme Marseille ou Paris, et bien ils ont la preuve du contraire”, commente un policier. Quand on parle d’armes de guerre, on pense en effet plus facilement au Sud de la France, à Marseille en particulier où elles ont été plusieurs fois utilisées, ces derniers mois notamment. Mais dans la nuit de samedi à dimanche, celui qui a ouvert le feu sur une discothèque de Lille, tuant deux personnes et en blessant au moins six autres, a utilisé une arme de type kalachnikov.

Du grand banditisme à la petite délinquance
Depuis plusieurs années, l’utilisation d’armes de guerre en France s’est étendue du grand banditisme à la petite délinquance. Le fait que leur coût ait beaucoup baissé n’y est pas pour rien. A Marseille, le type d’arme utilisé distingue “deux grands types de règlements de compte : ceux qui relèvent de l’amateurisme à la kalachnikov, et ceux, beaucoup plus professionnels, attribués au grand banditisme”, dont les acteurs n’utilisent “jamais de kalachnikovs” mais des armes de poing, expliquait fin mai au “Nouvel Observateur” le spécialiste de l’économie criminelle Thierry Colombié.
Fin 2011, un syndicaliste policier des Bouches-du-Rhône dénonçait une “recrudescence des braquages et des vols à main armée à l’arme de guerre”. Pour des motifs futiles et des butins dérisoires.

Un phénomène qui, selon Diego Martinez d’Unité SGP Police FO, “montait en puissance” depuis plusieurs années avant de connaître, à partir de septembre dernier, une “très inquiétante” progression.

“On en retrouve assez fréquemment sur les scènes de crime”
Le problème, confie au “Nouvel Observateur” le secrétaire d’Alliance police dans le Nord Benoît Lecomte, “c’est la facilité avec laquelle les délinquants peuvent s’en procurer.” “Les armes transitent quasi librement des anciens pays du bloc de l’Est, en nombre, et à bas prix”. “Toutes les grosses agglomérations sont concernées“, poursuit-il. Et Lille n’est évidemment pas épargnée. S’il ne dispose pas de données précises sur le trafic d’armes de guerre dans le Nord de la France, il confirme qu’il y est “beaucoup plus important qu’il y a cinq ou six ans” : “On en retrouve assez fréquemment sur les scènes de crime, et de plus en plus lors de perquisitions”. Dans le cadre, notamment, d’enquêtes liées au trafic de stupéfiants.
Si la kalachnikov est “la plus répandue”, poursuit le syndicaliste, d’autres armes de guerre sont en circulation : des fusils mitrailleurs, des Uzi,… “Beaucoup d’armes sont achetées en Belgique”, explique aussi au “Nouvel Observateur” le journaliste spécialisé en grand banditisme Jérôme Pierrat. Notamment au Sud de la Belgique, en basse Wallonie :

“Une importante communauté albanophone s’y trouve et certains de ses membres vendent des armes”, ajoute celui qui rappelle que “2 millions de kalachnikovs ont été volées, à la fin des années 2000, dans un entrepôt de l’armée en Albanie.” En général, “un ressortissant du pays fait le lien et fait venir la commande.”

Les armes circulent via des “trafics de fourmis”
Des armes qui circulent “à Marseille comme à Lille” dans les mêmes proportions : “Tout le monde a le même trafic. Toutes viennent des mêmes pays d’ex-Yougoslavie où elles sont fabriquées, et elles sont vendues au même prix, entre 2 et 3.000 euros la kalachnikov“. Quelquefois moins, en fonction de la qualité. Elles sont toutefois “assez peu nombreuses” tient à nuancer le journaliste : “Selon la DCPJ (Direction centrale de la police judiciaire), sur 3.000 armes saisies chaque année, entre 30 et 40 sont des kalachnikovs”. Qui circulent via des “trafics de fourmis” : “Elles sont ramenées à la commande, en relativement petites quantités.” Une des dernières grosses saisies de kalachnikovs remonte à janvier 2007 et au démantèlement d’un important trafic d’armes en provenance d’ex-Yougoslavie. Une cinquantaine de kalachnikovs avaient, entre autres, été découvertes par la PJ marseillaise. Fin janvier, dix kalachnikovs ont aussi été saisies à Marseille.
Plusieurs spécialistes interrogés par l’AFP estiment par ailleurs qu’environ

15.000 d’armes de guerre de type kalachnikov circuleraient dans les banlieues françaises, contre 3 à 7 millions d’armes illégales sur l’ensemble du territoire.

Au lendemain du drame de Lille, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a assuré que la lutte “sans relâche contre le trafic et la détention illégale de telles armes” était une de ses “priorités.”
Nouvel Obs

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