04/07/2012
« Un tel acharnement, je n’ai jamais vu ça de ma vie ». Attablé à la terrasse d’un de ses restaurants, Mohamed Chikha jette fréquemment des regards autour de lui. Encore aujourd’hui, trois semaines après l’agression que lui et son personnel ont subie, il n’est pas rassuré. « On a tous peur que ça recommence », souffle-t-il. « Ça » remonte à la nuit du 8 au 9 juin. Il est minuit passé et le terrassier range le mobilier de « Chez Louise » et « La Grange », deux bouchons lyonnais de la place du Change à Saint-Jean (Lyon 5 e). Un groupe s’approche et l’un d’eux s’amuse à uriner sur les plantes. Le terrassier se fâche, l’homme aurait répliqué avec des insultes racistes : « La France aux Français », etc. Inquiet, l’employé appelle à l’aide son patron. « J’étais à la caisse », raconte Mohamed Chikha. « Je leur ai demandé de partir ».
Le groupe disparaît mais quelques minutes plus tard, ils sont de retour, bien plus nombreux. Selon le responsable de l’établissement, une quinzaine d’hommes dont certains sont munis des barres et des poings américains, commencent alors à bousculer et à casser le mobilier, à taper sur les bacs. Un membre de la famille, Hamid, essaie de s’interposer. « Ils nous ont frappés avec des ceintures. J’ai reçu un violent coup sur la tête et le genou ». Hamid sera le plus grièvement blessé avec dix points de suture sur le crâne et une ITT supérieure à 8 jours. Dans la bagarre qui a suivi, le terrassier a été frappé ainsi que le patron des deux bouchons. En entendant le vacarme, un passant s’est précipité : « J’ai aperçu une dizaine hommes prenant la fuite. La terrasse était saccagée et les gens médusés d’avoir entendu des slogans à connotation nationaliste ». Le directeur de cabinet du maire du 5 e arrivé très vite sur les lieux, a constaté les dégâts. Pour les enquêteurs, s’il y a bien eu des insultes à caractère islamophobe au début du différend, il paraît prématuré de parler d’« agression raciste ». Le commissariat du 5 e arrondissement cherche à identifier les auteurs présumés des dégradations et injures.
L’avocate des trois victimes, Faten Mazigh est catégorique : « C’était une agression sauvage et raciste. Depuis, les serveurs travaillent la peur au ventre. Ils ont subi un choc psychologique ». Quant à Mohamed Chikha, sa décision est prise : il vend ses commerces. Deux de ses salariés ont démissionné.
Le Progrès