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Interview de Dominique Schnapper, sociologue, membre du conseil scientifique de la Fondapol et ancienne membre du Conseil constitutionnel, sur la démocratie en Europe.

Je suis une farouche militante de la suppression pure et simple de tout cumul de mandat. On multiplierait la classe politique mécaniquement par deux ou trois. On la rajeunirait, on l’ouvrirait aux enfants d’immigrés, aux femmes. On aurait tout de suite 40 000 enfants et petits-enfants d’immigrés qui se sentiraient activement des citoyens français.
Comment renouveler la légitimité d’une démocratie qui devient de plus en plus apathique ; on le constate à chaque élection avec le taux d’abstention croissant ?
[…] Nous sommes dans des sociétés confortables. Le risque existe que la recherche du bien-être prenne la place de la participation du citoyen. Néanmoins la France est une nation très politique, depuis la Révolution, qui conserve une dimension de civisme, mais il est vrai que les citoyens des démocraties européennes risquent de penser avant tout à leur intérêt matériel plutôt qu’à leur participation politique. […] Le chômage et le déclassement social expliquent-ils la montée du Front National et des populismes ?
C’est l’un des facteurs. Les populations qui ont le sentiment d’être déclassées, ou que leurs enfants connaitront un destin social moins favorable que le leur, ont tendance à chercher des boucs émissaires. Il y a aussi une évolution des sociétés démocratiques qui sont plus jouissives que citoyennes, avec en toile de fond un sentiment de déclin de l’Europe et de la nation.

Il y a donc un ensemble de phénomènes dans lequel le chômage joue un rôle. Nous vivons la décomposition d’une société qui pendant les Tentes Glorieuses progressait chaque année même si à cette époque nous étions moins prospères qu’aujourd’hui. C’était une société en progrès ou chacun avait le sentiment que ses enfants vivraient mieux. Les premières générations de travailleurs immigrés ont accepté de travailler durement dans les usines parce qu’ils venaient de sociétés très pauvres et qu’ils étaient convaincus que leurs enfants auraient un avenir meilleur que le leur. C’est ce sentiment d’avenir qui a largement disparu. Il faut donc voir les Trente Glorieuses plus comme un moment d’espoir que comme un moment de jouissance et de bien-être. […] Le modèle de l’État-nation est-il compatible avec le fédéralisme européen ?
[…] Les peuples se reconnaissent mal dans les institutions européennes telles qu’elles existent aujourd’hui. […] Il faudrait transférer la participation politique du niveau national au niveau européen. Or le niveau européen est, en tous cas pour l’instant, beaucoup plus abstrait que le niveau national. Pour l’instant le lien entre la nation et la démocratie est fort. C’est un lien historique et non structurel mais on ne peut le négliger pour autant ; jusqu’à présent la démocratie a toujours été nationale.
Blog Trop libre via Saphirnews

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