Ce matin, à 8h30 très exactement, je marchais dans les rues calmes qui entourent l’école où je venais d’accompagner ma fille, quand j’entendis une voix, plutôt posée, s’élever de derrière moi: « Allez, encore une bougnoule! »
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Tout d’abord, et très spontanément, j’ai cherché autour de moi le ou la bougnoule en question, qui avait eu le bonheur de passer par là et de récolter cette plaisante remarque, comme d’autres récoltent des sourires ou des bonjours.
Je me suis dit: « Un bougnoule? Passons lui le salam! », mais la solitude environnante me fit prendre conscience que, à mon teint défendant, et tout anachronique qu’il fut (je ne savais pas que ce terme avait survécu aux années 80…), j’avais incarné pour cet orateur ce concept pour le moins exotique.
Je rappelle au lecteur avisé que, malgré le foulard qui orne mon port certes enturbanné, je suis blanche, et plutôt blonde d’apparence.
Et puisque l’on ne perd jamais une occasion de s’instruire, (re)voyons ensemble l’étymologie et la définition du mot « bougnoule » selon le Petit Robert de 1979.
« Le bougnoule, nom masculin apparut en 1890, signifie noir en langue Wolof (dialecte du Sénégal). Donné familièrement par des blancs du Sénégal aux noirs autochtones, ce nom deviendra au XXme siècle une appellation injurieuse donnée par les Européens d’Afrique du Nord aux Nord-Africains. Synonyme de bicot et de raton »
« Un glissement sémantique du terme bougnoule s’opérera au fil du temps pour englober, bien au delà de l’Afrique du Nord, l’ensemble de la France, tous les « mélanodermes », les « arabo-berbères et négro-africains » chers à Senghor, pour finir par s’ancrer dans le tréfonds de la conscience comme la marque indélébile d’un dédain absolu, alors que parallèlement, par extension du terme raton qui lui est synonyme, le langage courant désignait par « ratonnade » une technique de répression policière sanctionnant le délit de faciès. »
Fort heureusement je n’ai eu droit qu’au dédain, mais un nombre croissant de musulmans subissent l’infamie d’actes autrement plus barbares. Coquards, mâchoires fracturées et côtes cassées ont fait grimper de 58% le chiffre des agressions islamophobes en 2011.
94% des victimes sont des femmes. C’est dire la bravoure des contestataires.
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