En Haïti, le racisme se pratique dans tous les sens du derme. Les peaux claires y trouvent leur compte, et les peaux foncées sont racistes envers les noirs. Et tout le monde trouve ça normal
Comportement stigmatisant, propos offensants relatifs à la couleur de la peau…
C’est le propre du quotidien du Haïtien qui vit à Cité-Soleil, le plus grand bidonville du pays…
C’est aussi le quotidien de l’ancien Syrien, Libanais, Palestinien… devenu «Haïtien», qui habite la superbe villa dans les hauteurs de Port-au-Prince.
D’un côté, comme de l’autre, rien n’est fait pour conjurer ce phénomène dans la première République noire du monde.
Mais, récemment, un témoignage dénonçant les actes discriminatoires pratiqués à l’encontre des noirs dans certains magasins à Port-au-Prince a fait des vagues. (…)
D’origine africaine, la population d’Haïti est constituée de plus de 97% de noirs. Ils sont issus de la traite des Africains, ce commerce humain de la colonisation espagnole, anglaise et française.
Arrachés des côtes africaines (Bénin, Guinée, Sénégal…), les esclaves étaient déportés et exploités dans les colonies d’Amérique.
Cependant, l’élite économique de ce pays indépendant depuis 1804 est aujourd’hui composée en majorité de descendants d’anciens colons français, d’Allemands et de migrants arabes venant du Liban, de la Syrie, et plus surprenant, des territoires palestiniens: ce peuple opprimé occupe en Haïti une place dominante.
Les Arabes, blancs parce que riches
Les Arabes sont arrivés en Haïti à partir de 1890. Ces derniers sont aujourd’hui majoritaires par rapport aux Européens.
Ils se sont installés, à leur débarquement, au bord de mer de Port-au-Prince, principal centre commercial de la capitale haïtienne.
Réputés comme étant de bons marchands, les «arabes» ont fait fortune dans le commerce.
Tous ces migrants que la population locale appelait «Syriens» sont devenus, au fil des ans, les principaux importateurs du pays et se sont constitués en élites économiques. (…)
Entre temps, la tendance a changé. Les anciens stigmatisés (Arabes) se sont intégrés (acquisition de la langue française), sont devenus riches et proches du pouvoir politique. Les nouveaux «blancs», ce sont eux.
Les noms de famille Boulos, Acra, Handal, Kawli, Madsen, Berhman, Apaid, Jaar, Frisch… sont aujourd’hui synonymes de richesse, de prestige… Ces familles et plusieurs autres (3% de la population) détiennent aujourd’hui plus de 80% des richesses d’Haïti.
Cette classe possédante représente les nouveaux modèles de réussite de la grande population noire.
Entre l’ascension des Arabes et le départ de Jean-Claude Duvalier, la majorité de la population a connu une paupérisation accélérée et a perdu son identité, rejetant tout ce qui vient de ses origines.
Le mépris a changé de camp. Les nouveaux stigmatisés aujourd’hui sont les gens à la peau foncée. Ils sont ceux qu’on regarde de travers —quoique clients— dans certains magasins et supermarchés de la commune de Pétion-Ville, où se sont retranchés les grands commerçants après le délabrement et l’abandon du centre commercial de Port-au-Prince. (…)
Slate Afrique