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USA :INKWELL – “PUITS D’ENCRE”. C’est le nom de la plage à Oak Bluffs. A 7 h 20, Caroline Hunter arrive sur le sable. Et avec elle, les Polar Bears, le groupe des lève-tôt qui viennent nager au leverdu soleil. Ils sont tous afro-américains, à deux exceptions près. Plus qu’un club sportif, c’est une communauté. L’une de ces institutions de la classe moyenne noire issues du combat contre le racisme et la ségrégation.
Les Polar Bears sont des gens aisés, éduqués. Caroline Hunter revient de Washington, où elle a reçu le prix Rosa Parks pour son action contre l’apartheid dans les années 1980. Frances Gaskin est une femme d’affaires à succès : elle a créé une ligne de cosmétiques à base de mélanine, après avoir noté une prévalence moindre de cancers de la peau chez les Noirs. Edward Redd vient nager tous les matins. Avant sa retraite, il était juge à Boston. “A Oak Bluffs, personne n’a jamais l’air d’être quelqu’un”, résume-t-il. La plage est un “égalisateur”.

Oak Bluffs est l’enclave noire de Martha’s Vineyard, l’île bobo de la Nouvelle-Angleterre, à quarante-cinq minutes de Cape Cod, par le ferry.

Un village de 3 700 habitants l’hiver, dix fois plus l’été. On y croise des touristes noirs, des universitaires de renom, des stars, des mères de famille, des jazzmen… qui tous ont l’air de s’amuser.

Et même un Français, Roger Schilling, métis comme Barack Obama. Il était professeur de gymnastique à Nanterre et, après trois mois dans le métier, il a tout plaqué. “C’est la plus grande station balnéaire pour les Noirs aux Etats-Unis, dit-il. Il y a quelque chose de spirituel. On ne sait pas qui fait quoi et ce n’est pas important.”

Tous les grands noms de l’intelligentsia noire sont passés par là. (…)

AVANT D’ÊTRE PRÉSIDENT, Barack Obama s’installait en famille à Oak Bluffs, où une amie Valerie Jarrett possède une maison depuis toujours. Après 2009, la sécurité leur a imposé une retraite inaccessible, Blue Heron Farm, à 25 000 dollars (plus de 20 000 euros) la semaine qui a fait ricaner les Républicains. Cette année, le président est en campagne. Il ne viendra pas. Il se trouve aussi que la propriété, qui, soit dit en passant, appartenait à un couple de Républicains du Mississippi, a été vendue (21,9 millions de dollars) au lord et architecte anglais Norman Foster, qui n’a pas l’intention de la louer.

Le groupe des Polar Bears espère que Michelle Obama viendra quand même quelques jours avec les enfants. Ou ne serait-ce que pour la soirée de collecte de fonds le 15 août chez Ron Davenport, le président de Sheridan Broadcasting, un réseau de radios noires.

On a un exercice appelé “les bras de Michelle””, dit Caroline Hunter, qui fait office de monitrice d’aquagym. En 2011, elle a été invitée à la réception que Charles Ogletree, l’ancien professeur de droit de Barack et Michelle à Harvard, a donnée chez lui pour que la communauté puisse serrer la main du président. “Je ne touche plus terre rien que d’y repenser !”, s’extasie-t-elle encore. Roger Schilling, qui y était aussi, a interrogé le président sur son jeu de golf. “Nul”, a répondu Obama.

A Oak Bluffs, les Noirs ont leurs réseaux, leurs rites, leur galerie d’art (Cousen Rose) et un festival du film afro-américain.  (…)

Le Monde

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