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C’est un peu le Davos des anars. A l’entrée de Saint-Imier, pas encore de drapeau noir qui flotte au vent, mais depuis mercredi torses tatoués et crêtes peroxydées se font plus visibles sur la route qui serpente le Jura suisse. Et pour cause. Jusqu’à ce soir, 3000 libertaires du monde entier migrent vers cette petite cité tranquille, célèbre pour son industrie horlogère. Inédit dans la région, le Mondial de l’anarchisme est ouvert à tous, militants ou simples curieux. Une grande première depuis 1984, qui redonne des couleurs au mouvement. Près d’un siècle et demi après leur naissance, les anars sont toujours là.

Le saviez-vous ? Si Proudhon, le père français de l’anarchisme, est né non loin de la frontière helvète, à Besançon, c’est bien… à Saint-Imier qu’a été signé l’acte de naissance de l’anarchisme. Mikhaïl Bakounine, exclu de la première Internationale marxiste, y a prononcé en 1872 le premier discours de l’Internationale antiautoritaire. « Le maire nous a aidés en nous louant volontiers les salles publiques », se félicite John, organisateur et membre de la Fédération anarchiste française, qui compte 4000 membres. Du coup, la petite ville de 4700 habitants a été réquisitionnée. Dans la salle de sport, un atelier de résistance non violente, un Salon du livre anarchiste dans la patinoire et un débat sur le vote syndical dans la salle du conseil municipal. Au bar PMU Chez Beni, les habitants font copain-copain avec les nouveaux venus. « Il y a de l’animation au moins. D’habitude, ici, c’est le désert en août! lance Jacob, le barman. Certains ont des looks bizarres, mais ils sont très calmes et ils mettent tout à la poubelle. Je suis obligé de leur demander de me laisser travailler ! Quand je les sers, ils ramènent eux-mêmes les verres! »
A la cuisine autogérée internationale, on coupe des oignons en parlant italien, espagnol, japonais. Mais aux manettes, ce sont les Allemands et les Hollandais qui gèrent d’une main de maître les repas bio et végétaliens pour 2 000 personnes. Chacun paye à sa convenance. Plus loin, des petits cercles assis sur le trottoir débattent de l’action directe ou de la situation des prisonniers biélorusses. Priam et Dino, deux étudiants venus de Vendée et de Bruxelles, avouent découvrir l’anarchie. Pour Priam, « tout repose sur la confiance, la responsabilisation, la non-violence. Il y a parfois des bastons, mais un peu comme partout ». La veille, un débat a failli déraper. Un fonctionnaire s’est fait jeter de la crème fraîche par un anar remonté.
Le Parisien

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