Mohamed Douhane est commandant de police et membre du bureau national de Synergie officiers.
(…) Y-a-t-il des villes à l’abri de ce type de violences ?
Non. Dans les années 70, ces quartiers étaient très concentrés. Aujourd’hui, toutes les villes de France sont susceptibles d’être frappées par des scènes de violences urbaines.
Toutes. Grandes, moyennes ou petites. Voyez une ville comme Méru, dans l’Oise, qui fait partie des quinze Zones de sécurité prioritaires (ZSP) annoncées par Manuel Valls. Quand vous voyez Méru, ville classée en zone gendarmerie, vous ne vous dites pas qu’il y a un problème. Et pourtant…
Des scènes de violence comme à Amiens, il y en aura d’autres, et on n’est pas à l’abri d’émeutes comme en novembre 2005. Il ne faut pas oublier qu’on a eu ensuite Villiers-Le-Bel ou les affrontements de la Gare du Nord en 2007. Pendant la campagne, les médias n’en ont pas beaucoup parlé, pour ne pas doper la droite ou l’extrême droite, mais ce n’est pas pour autant qu’elles ont disparu. Il ne se passe pas une soirée en France sans violences urbaines. Pas une soirée sans que des policiers soient pris à partie, que des poubelles soient brûlés. C’est un phénomène récurrent et inquiétant et qui n’est pas prêt d’être réglé.
Et ça va en empirant. Les délinquants n’hésitent plus à utiliser des armes à feu. A Villiers-Le-Bel, les policiers se sont fait tirer dessus à la carabine – plus d’une centaine ont été blessés. A Amiens, du mortier a été utilisé. Aux Etats-Unis, dans une telle situation, il y aurait 50 morts.
Parmi les forces de l’ordre ou les délinquants ?
Du côté des délinquants.
Y-a-t-il donc un manque de répondant en France de la part des policiers ?
Non, il y a une doctrine d’emploi qui est différente. En France, on a la hantise du syndrome Malik Oussekine. On craint que la mort d’un jeune ne déclenche des émeutes encore plus violentes.
Mais si les forces de l’ordre répondaient également à ces violentes émeutes, les fauteurs de troubles ne finiraient-ils pas par se calmer ?
Oui. Mais il est difficile de comparer la France et les Etats-Unis. Le rapport à l’autorité est différent là-bas, et l’application de la sanction aussi.
En France, les violences urbaines prennent de l’ampleur depuis des années, avec des sanctions judiciaires qui paraissent bien faibles et inadaptées, et une justice des mineurs impuissante. Le taux de mineurs interpelés après les émeutes de 2005 était de 50%. Avec un taux d’application des peines ridicule dans certains départements.
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