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Dix jours après les violents affrontements des quartiers nord d’Amiens, la tension reste forte entre les policiers chargés de sécuriser le secteur et les habitants. L’enquête, elle, peine à identifier les émeutiers.
Ils sont une dizaine à tuer le temps, assis le long de l’Atrium, bâtiment qui abrite la mairie annexe au cœur des quartiers nord d’Amiens. Dix jours après les violentes émeutes qui ont secoué le secteur, « rien n’a changé » selon Karim, Kamel, Najim et les autres. « Ou plutôt si, c’est pire précise Kamel. La police nous harcèle, nous prend en photo, nous provoque. Ils veulent absolument faire des arrestations, mais ils ne s’en prennent pas aux bonnes personnes. » Eux, disent-ils, n’ont pas pris part aux heurts qui, dans la nuit du 13 au 14 août, ont fait 17 blessés parmi les forces de l’ordre, visées à coups de tirs de mortier et de chevrotine. « C’est bien fait pour eux. Ils ont allumé la mèche, à eux d’assumer maintenant » lâche Karim, 20 ans, titulaire d’un Deug d’électrotechnique.
Un discours qui ne choque guère à Amiens-Nord, où peu d’habitants soutiennent les policiers. Il y a dix jours, c’est un contrôle routier de la brigade anticriminalité qui a dégénéré, en marge d’un repas de deuil en hommage à un jeune de 20 ans, mort dans un accident de moto trois jours plus tôt. L’intervention dans la foulée des CRS, qui ont fait usage de flash-balls et de gaz lacrymogène, a mis le feu aux poudres.
Mais la tension est permanente… Depuis un an et, déjà, des tirs de mortier, les incidents se sont multipliés. Les quartiers nord d’Amiens ont d’ailleurs pris l’habitude de voir des cars de CRS ou de gendarmes mobiles stationner en permanence dans le quartier.
Les premiers sont honnis, les seconds plébiscités. « Les gendarmes, eux, nous vouvoient, nous respectent, et s’ils contrôlent, c’est une fois, pas quatre, raconte Kamel. Ils étaient là pendant un mois, ça se passait bien. Les gens venaient même leur offrir le thé ! » Poignet dans le plâtre, plaie au genou et point de suture à la commissure des lèvres, un membre du groupe assure que ses blessures sont l’œuvre des policiers lors d’un contrôle musclé. « Porter plainte? Ça ne sert à rien, souffle-t-il. La seule solution pour apaiser les choses, c’est qu’ils partent. »
Une heure plus tard, le groupe de garçons s’est éclipsé. Comme chaque fin d’après-midi depuis les émeutes, une poignée de camions de CRS a pris place le long de l’Atrium. Les policiers en uniforme antiémeute surveillent la place du Colvert, qui rassemble la plupart des commerces du quartier. Entre les deux, l’avenue de la Paix et son bitume fondu, stigmate des barricades de fortune dressées lors des émeutes. Les habitants, eux, vaquent à leurs occupations, mais à distance raisonnable. « On a beau ne pas cautionner le fait de brûler des équipements publics, les CRS se sont mis tout le monde à dos », décrypte cette maman, dont le fils de 12 ans, alors qu’il rentrait d’un anniversaire, a été malmené lors d’un contrôle. « Il était traumatisé. Quand j’ai appelé le commissariat, ils ont minimisé. » Des anecdotes de ce genre, les habitants en ont à revendre. Paradoxalement, beaucoup aimeraient plus de présence policière. « Qu’ils viennent ! lance cette maman, excédée par le bruit et les incivilités au bas de son immeuble. Mon rêve, c’est de faire une nuit complète. Mais personne ne vient quand on appelle. Tout ce qu’on a, ce sont les CRS qui excitent les jeunes. »
A l’image de Karim, père de famille de 34 ans, l’optimisme n’est guère de mise. « Les petits, ils ont trop pris la confiance. Ils ne respectent pas les plus vieux, les familles, insiste-il. Et ils ne nous écoutent pas non plus. Tant que les CRS sont là, ça sera calme. Mais jusqu’à quand ? »
Le Parisien

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