L’histoire bégaye en Afrique du Sud… La confrontation sanglante de Marikana, une mine de platine en grève, laissant 44 morts sur le carreau, fait ressurgir un pan entier de l’histoire peu ordinaire de ce pays, et ses conséquences tragiques.
Historiquement, le secteur minier, pilier de l’économie sud-africaine depuis la découverte de l’or et des diamants au XIXe siècle, a été développé et a été la propriété de capitalistes anglo-saxons. Ils ont été rejoints plus tard par des capitalistes afrikaners et, depuis la fin de l’apartheid, par une nouvelle élite noire.
Cette transformation capitalistique n’a pas eu l’effet escompté sur la transformation sociale, et c’est l’une des déconvenues, hélas prévisible, révélée par la tuerie de Marikana. (…)
Cette crise est symbolique du « mal » sud-africain d’aujourd’hui, deux décennies après la fin de l’apartheid. Une bourgeoisie noire a bien profité de la transition, s’installant dans les quartiers hier réservés aux seuls Blancs, mais n’a pas tenu ses promesses vis-à-vis de la grande majorité de la population noire.
Jacob Zuma, le deuxième Président élu après Mandela, porte lui aussi une lourde responsabilité, après avoir organisé l’éviction de son prédécesseur, Thabo Mbeki, sur des airs populistes, sans pour autant rectifier ce qu’il critiquait hier. Le tout doublé de dérives personnelles très polémiques.
Dans « No time like the present », un roman sorti cette année en anglais, Nadine Gordimer, le prix Nobel de littérature, hier très engagée contre l’apartheid, dresse un bilan sévère de l’action de cette nouvelle élite noire et de la société post-apartheid.
Ses héros, d’anciens combattants de la résistance multiraciale, sont en proie au désenchantement et au doute.
Les mineurs de Marikana ont dépassé ce stade, et sont passés à la révolte.
Rue 89