Écrivain de la “créolité”, mouvement qu’il a lancé dans les années 1970 avec ses compatriotes Jean Bernabé et Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant a publié en avril 2012 “Rue des Syriens”. Interview.
Dans une langue formidablement évocatrice, mêlant créologismes, néologismes, français littéraire, créole et citations arabes, ce roman relate l’épopée de Wadi, jeune Syrien poussé par la famine et le verdict familial à aller chercher fortune en « Amérique-Martinique ». D’abord déboussolé par l’univers qu’il découvre, aussi exubérant et sensuel que codifié et marqué par l’héritage d’une histoire douloureuse, Wadi trouve vite sa place sur l’île, dans les bras la belle négresse Fanotte, aux côtés de son ami le mulâtre bibliothécaire Eugène Frémont et dans la société des commerçants syriens de la rue François Arago. Une odyssée insulaire dans une société antillaise en pleine constitution. (…)
Quelle image les Antillais de tous bords ont-ils aujourd’hui des « Syriens » ?
Cela dépend de la classe sociale : chez les gens du peuple, les Syriens ont encore l’image des colporteurs de tissu un peu roublards qu’étaient les tous premiers immigrants, mais il n’y a aucune hostilité particulière à leur endroit, même si on leur reproche de trop vivre en vase clos ; dans la petite bourgeoisie, les Syriens sont peu ou prou assimilés aux mulâtres, surtout ceux qui sont devenus médecins, avocats ou politiciens.
Les moqueries contre les Syriens des premiers temps se sont peu à peu estompées, même si, à l’extrême-gauche, on reproche parfois à certains Syriens haut placés de faire le jeu des Békés. (…)