Des extrémistes juifs sont soupçonnés d’avoir récemment profané plusieurs lieux de culte chrétiens et musulmans pour se venger après l’évacuation forcée de leurs colonies.
Frère Louis a eu la frayeur de sa vie. Réveillé en pleine nuit par un autre moine qui criait au feu dans le monastère de Latroun, à une vingtaine de kiomètres à l’ouest de Jérusalem, il s’est précipité hors du dortoir. «Je suis sorti et j’ai vu la porte principale de l’église en feu. Heureusement nous avions un extincteur, sinon tout serait parti en fumée», raconte-t-il, encore sous le choc.
Sur les murs autour de la porte en bois en partie calcinée des inconnus ont signé leur acte en badigeonnant à la peinture orange: «Jésus est un singe». De l’autre côté était inscrit le nom de Migron, une colonie sauvage israélienne de Cisjordanie évacuée dimanche par la police.
Selon les enquêteurs, cette inscription tend à prouver que l’incendie volontaire est sans doute le fait de petits groupes d’ultras de droite israéliens. Ces extrémistes, très actifs en Cisjordanie, pratiquent depuis des mois ce qu’ils appellent une politique du «prix à payer» qui consiste à se venger par des agressions ou des actes de vandalisme visant des Palestiniens ainsi que des lieux de culte musulmans ou chrétiens des décisions du gouvernement qu’ils jugent hostiles à la colonisation. Un activiste de cette tendance, Baruch Marzel, a ainsi établi un lien avec l’attaque contre le monastère. «Nous avons prévenu que l’évacuation de Migron allait provoquer la colère», affirme-t-il.
Précision importante, l’attaque de Latroun n’est pas un fait isolé. En février, des graffitis antichrétiens avaient été badigeonnés sur les murs d’une église baptiste et du monastère de la Croix à Jérusalem. Les évêques catholiques de Terre sainte ont dénoncé cette série de profanations.
«Que se passe-t-il dans la société israélienne pour que des chrétiens deviennent des boucs émissaires cibles d’actes de violence. Quel genre d’enseignement du mépris à l’encontre des chrétiens dispense-t-on dans les écoles? Pourquoi les coupables ne sont-ils jamais arrêtés ni traduits en justice ?», s’interrogent ces évêques dans un communiqué. (…)
Le père Louis ne cache son inquiétude. «Nous voulons simplement vivre en paix, et pas dans la peur permanente car nous n’avons aucun moyen de nous défendre», explique-t-il devant son monastère construit à la fin du XIXe siècle situé sur le chemin qui menait les pèlerins du port de Jaffa à Jérusalem. Jusque dans les années 1960, les moines qui y vivaient avaient fait vœu de silence. Aujourd’hui le monastère, connu également pour son vignoble, abrite 18 moines et autant d’hôtes tout en étant ouvert au public.
Le Figaro