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Par Bruno Chaouat, professeur associé à l’Université du Minnesota
Vue des Etats-Unis, “l’affaire Millet” est plutôt drolatique. Lecteur et admirateur de Richard Millet depuis quelques années, je n’ai pas été surpris par son Eloge littéraire d’Anders Breivik (Langue fantôme, Pierre-Guillaume de Roux, 120 p., 16 euros). Si j’admire la beauté sombre et cruelle de son oeuvre romanesque, ses pamphlets me laissent sceptique et me paraissent surfaits et prévisibles. Dans l’affaire qui nous occupe me surprend surtout l’aveuglement de la critique : écrivains et journalistes se sont montrés prompts à dénoncer le racisme et l’islamophobie de Richard Millet. Soit. Mais nul n’a identifié l’ennemi de l’écrivain. Or, la véritable hantise de Millet, ce ne sont ni les Noirs ni les Arabes (tout lecteur un peu attentif sait qu’il a une grande admiration pour la culture arabe). Son idée fixe, c’est l’Amérique.
C’est que, fidèle à une longue tradition française, Millet identifie l’Amérique et “l’américanisation” de la France, de l’Europe, voire du monde, comme la causalité diabolique du déclin de l’Occident. On reconnaît le tropisme antiaméricain à ce qu’aucun paradoxe ne l’arrête. Ainsi, selon lui, l’Amérique serait responsable à la fois de la montée de l’islam en Europe et de l’islamophobie génocidaire du terroriste norvégien. Le paradoxe ne semble pas avoir suscité l’interrogation des lecteurs français, et pour cause : l’antiaméricanisme est inscrit dans l’ADN de l’intelligentsia française. Que l’Amérique pervertisse le monde, cela va sans dire et fait consensus, de l’extrême droite à l’extrême gauche. […] Le Monde

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