Marine Le Pen va déposer prochainement les statuts d’une association, le “Rassemblement bleu marine”, en vue des élections municipales de 2014. Dans le même temps, le Front national se lance dans un processus de recrutement et de formation de cadres.
Le talon d’Achille du Front national est la matière grise.
C’est classique, c’était le cas du Parti communiste au moment de son décollage après la seconde guerre mondiale. Ce sont des partis qui manquent cruellement de cadres formés pour pouvoir gouverner. Ils sont donc obligés de les former. Du temps de Bruno Mégret, le FN avait une école de cadres. Elle marchait d’ailleurs assez bien, avec des séances de vidéo, de media-training, des formations sur la situation politique et économique, sur les idées du parti, etc. Tout cela permettait aux candidats de se légitimer, car le parti a de cruelles difficultés à recruter dans les sphères compétentes.
Avec le retour de l’argent et des militants, ils vont pouvoir remettre en place cette dimension de la formation, qui est absolument centrale pour eux. C’est néanmoins révélateur, il ne faut pas l’oublier, de l’absence de cadres compétents qui se rallient à eux. Le PS et l’UMP sont des machines de guerre politiques absolument redoutables, avec des tas de gens qui sortent des grandes écoles, qui ont des expérience en cabinet ministériel, qui ont géré des villes… Au FN, ils n’ont pas ça. Ils ont seulement quelques conseillers régionaux, et c’est nettement insuffisant pour peser dans les débats et pour acquérir véritablement une culture de gouvernement.
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Ce n’est pas par de la formation interne au sein d’un parti qu’on acquiert une culture de gouvernement.
Cela passe soit par des écoles qui permettent de faire des stages qui forment à cela (Ena, Sciences Po, Grandes écoles de commerce, fac de droit), soit par l’exercice de mandats importants, municipaux ou régionaux, où on exerce le pouvoir.
(…) Mais ce n’est absolument pas comme cela qu’on acquiert une culture de gouvernement, et d’ailleurs les gens qui dispensent ces formations n’en ont pas, à part Philippot, qui a fait un passage au ministère de l’Intérieur, mais n’a jamais fait partie d’un cabinet ministériel, et Bertrand Dutheil de La Rochère, ancien chef de cabinet de Chevènement. Il y a quelques personnages isolés qui ont cette compétence et peuvent la transmettre, mais à l’échelle d’un parti, c’est totalement insuffisant. C’est le gros défi du FN.
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Les politologues pensaient que ça allait être le cas, moi-même à un moment, je n’étais pas loin de le penser. Mais quelqu’un qui franchit le Rubicon prend deux risques : d’une part, celui d’être discriminé, parce que le FN, malgré tout, sent encore le souffre ; et d’autre part, celui d’être mis sur une voie de garage.
Qu’a-t-on comme mandat quand on a des compétences politiques à faire valoir et qu’on rejoint le FN ? Ils ont combien de députés ? Deux. Même Philippot, avec son expérience et tout énarque qu’il est, se retrouve avec rien, à part des responsabilités internes. Pareil pour Dutheil de La Rochère. Il y a donc un risque en termes d’image et un risque en termes de rétribution à proprement parler.
Tant qu’on sera dans un système législatif uninominal à deux tours, finalement, qu’auront ces gens ? Des postes de conseillers généraux, régionaux, municipaux. Mais quelqu’un qui veut faire carrière a pour l’instant plus à perdre qu’à gagner à aller dans ce parti politique
(…) Atlantico