Régulièrement, les analystes politiques et économiques américains se plaisent à rappeler qu’aucun président sortant n’a été réélu avec un taux de chômage au dessus de 7,2 %. Sauf que les 8,1 % officiels aujourd’hui ne sont qu’un très pâle reflet de la réalité, a estimé ce week-end Graham Bibby, patron d’une société de gestion de portefeuille sur CNBC. En cause, la sortie massive des statistiques des chômeurs découragés, qui se traduit par un véritable trou noir dans les tableaux de chiffres qui circulent à Washington.
Les règles de cette comptabilité sont simples : si un chômeur inscrit depuis plus de 12 mois ne se rend plus aux entretiens, ne se manifeste plus auprès des agences pour l’emploi, il sort des statistiques. Idem pour les employés à temps partiel qui souhaitent être à temps complet, ou les tout récents chômeurs, qui doivent attendre plusieurs semaines d’inactivité pour être officiellement comptabilisés dans les chiffres. Pareil pour les chômeurs qui ont épuisé leur droit à indemnisation : ils n’existent tout simplement plus aux yeux du gouvernement.
Cette comptabilité restrictive fait que la photographie du marché de l’emploi à un instant T est extrêmement sujette à caution. Ça n’a rien d’une surprise ni d’une tromperie. La grande majorité des pays développés décomptent le chômage de la même façon. Mais la crise dure depuis maintenant quatre ans, et l’accumulation de chômeurs sortis des statistiques commence à prendre une ampleur particulièrement inquiétante et à traduire l’apparition d’un fort chômage structurel qui peine à refluer, même en période de reprise.
Cette accumulation de chômeurs découragés fait dire à certains analystes que le taux de chômage réel est plus proche des 15 %, voire dépasse les 20 % de la population active, et que ce sont ces chiffres-là qui devraient être utilisés dans la campagne électorale pour souligner l’ampleur du défi à relever en matière de création d’emplois.