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D’Asnières à Marseille, les musulmans se sentent provoqués, mais répondront-ils aux appels à manifester demain ? Les Français des pays musulmans, eux, sont invités à la prudence aujourd’hui.
Les étals se vident lentement, il est l’heure d’engloutir un panini ou d’avaler un café. Sur la contre- allée, ils sont une poignée de jeunes habitants à deviser. C’est peu dire que la diffusion des extraits du film « l’Innocence des musulmans » — que tous se refusent à visionner — et des caricatures de Mahomet dans « Charlie Hebdo » n’a guère plu à ces jeunes Français, quasiment tous de confession musulmane. Qu’ils se disent pratiquants ou ne dédaignent pas boire un verre d’alcool de temps en temps, l’émotion est la même. « Je me sens offensé », résume un jeune d’une vingtaine d’années qui arbore un maillot du PSG.
Pour tous, les événements sont vécus comme une « provocation ». « Normalement, je ne suis pas trop versé dans la religion, mais, même moi, je me sens visé, explique Mohamed, un manutentionnaire de 31 ans. Depuis le 11 Septembre, nous les musulmans, on en prend plein la tête. Je suis d’accord avec la liberté d’expression, mais là, c’est une agression gratuite. »
Dans ce quartier mixte où les joggings, les jeans et les tuniques se mélangent, le ressentiment est très fort. « On est fatigués, résume un commerçant de troisième génération. Chaque semaine, il y a un nouveau truc sur les musulmans ; on a l’impression qu’on est les seuls cons sur la planète. Ce qu’a fait Charlie Hebdo est irresponsable et irrespectueux et on n’aurait même pas le droit de se plaindre… » Certains ressortent quand même la vieille rengaine douteuse selon laquelle toutes les religions — à commencer par la religion juive — ne seraient pas traitées avec les mêmes égards…
« C’est quoi le but de tout ça ? Je ne comprends pas », répète Mohamed. « Charlie Hebdo a fait du business, mais quand on aime son pays, on évite, on pense à la paix civile », assène Zouhairr Ech-Chetouani, une figure du quartier. Entre deux commandes au bar, on se lamente des conséquences du climat ambiant. « On n’est pas dupes. Ceux qui ont fait ce film ont voulu nous pousser à réagir », analyse Abdallah, 26 ans. « Tout ça va uniquement réveiller les malades des deux camps », se lamente Mohamed.
De fait, les réactions à adopter font débat. « Les manifestations, ça ne va rien changer. Et puis dans notre religion, on n’utilise pas la force », explique Moussa, survêtement noir et casquette sur la tête. « Mais des fois, je me demande si ça ne vaut pas le coup non plus. Il y en marre de fermer sa gueule », ajoute-t-il immédiatement. « Franchement, j’en ai rien à foutre. Il faut passer au dessus de tout ça », estime au contraire Sofiane, 22 ans, au look semblable à celui de Moussa. Hier, un « appel à la mobilisation collective de tous les musulmans » non signé s’est propagé sur les téléphones et les réseaux sociaux : « Cette action consiste en une abstention d’achat le 20 septembre afin de faire prendre conscience du pouvoir économique des musulmans de France. Par cette action, nous voulons ainsi faire comprendre notre indignation face à la situation et le climat islamophobe dont nous sommes tous victimes », pouvait-on lire notamment. A Asnières, à en juger par le nombre de verres de sirops servis par le fast food du coin, l’appel n’a visiblement eu guère d’impact. « C’est comme la manifestation de samedi dernier, précise Zouhairr Ech-Chetouani. Elle n’a rassemblé que 200 personnes qui n’étaient absolument pas représentatives des banlieues. C’est bien de mettre ce chiffre en parallèle avec les 75 000 exemplaires de Charlie Hebdo vendus en une seule journée. »
Le Parisien

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