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Que démontre la tempête soulevée par le dernier livre de Richard Millet ? Que suggère le virulent pamphlet d’Annie Ernaux, prenant, dans ces mêmes colonnes, Millet pour cible ? Ceci : le racisme – opinion et actes racistes confondus – est devenu au cours des dernières décennies l’autre nom du mal.

Le nom synthétisant le mal, régnant de toute sa malfaisance, réelle et potentielle, en se tenant au sommet de la hiérarchie de tous les maux.

Sommet, synthèse il est aussi source – à considérer l’idéologie dominante, celle dont Annie Ernaux se fait la porte-parole, tout se passe comme si tous les maux accablant les sociétés modernes dérivaient du racisme.

Opérateur d’exclusion, l’accusation de racisme permet de pointer un doigt accusateur vers un coupable aussitôt chargé d’être la cause de tous les malheurs du monde.

Plus qu’une charge juridique, c’est une charge métaphysique. Un discours subliminal accompagne l’accusation : un tel (aujourd’hui Millet, demain un autre) est possédé par le substitut moderne du Diable, l’opinion raciste. Toujours l’accusation de racisme se fait exorcisme. Un phénomène étrange accompagne ces exorcismes. Comme dans les autocritiques obligatoires des régimes communistes de naguère, le coupable se voit contraint de présenter des excuses publiques accompagnées d’éclaircissements ; mais chacun aura remarqué que ces excuses et développements ne suffisent jamais, qu’elles sont systématiquement déclarées inadéquates et hypocrites.
Au regard de l’antiracisme, l’opinion raciste ne se résume pas à un acte, un événement, un dérapage que l’on pourrait pardonner, mais elle constitue un état structurel de l’âme, incurable, plus définitif que l’état de l’état de péché mortel, que Dieu peut pardonner si le repentir s’exprime, dans le catholicisme. Le pardon n’est jamais accordé, le coupable reste coupable pour l’éternité, ontologiquement. La demande d’excuses et d’éclaircissements n’a pas pour horizon le pardon.
Son existence n’a pas d’autre fin que d’enfermer le supposé coupable dans une culpabilité ontologique, essentielle, sans portes ni fenêtres, dont il ne pourra s’évader.

Le système antiraciste se différencie de toute forme de justice, en particulier de la justice civile : il n’y a jamais de pardon, jamais de deuxième chance, le tribunal ne passe jamais l’éponge. L’opinion raciste ressemble alors au péché mortel du catholicisme, à ceci près que la rémission est impossible. (…)

Le Monde

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