De grosses cylindrées à vendre, immatriculées 06, 83 ou 13, s’affichent sans complexe sur le web. Un particulier niçois les a répertoriées. Mais le champ d’action de la police française est limité
Avendre CB1000R gris, modèle fin 2011. L’annonce postée sur Facebook a de quoi séduire l’amateur de belles motos. Le vendeur omet juste de préciser un détail : celle-ci a été volée sur la Côte d’Azur voilà quelques mois.
Motos, scooters, Vélo bleu niçois… On savait que les deux-roues aimaient franchir la Méditerranée depuis le « Printemps arabe ».
Etonnant, néanmoins, de voir de grosses cylindrées immatriculées 06, 83 ou 13 s’exhiber sans complexe dans des cyber-galeries. Parfois avec le vendeur. Facebook, mais aussi « Tunisie-Annonce », sorte de « LeBoncoin » tunisien : c’est là que ces « hypersportives » – des motos valant autour de 15 000 e – ont été retrouvées. A défaut d’être récupérées.
À moitié prix
À l’origine de la découverte : Olivier*, trentenaire niçois victime d’un vol de moto au printemps dernier. Il a été indemnisé depuis, en a racheté une équivalente. Mais il n’a pas digéré la perte de sa moto. Ni l’acharnement des voleurs, qui ont forcé son box et dessoudé la fixation au sol. Encore moins de voir s’étaler en ligne des motos arborant la signature de concessionnaires niçois, antibois ou marseillais.
« C’est sur un forum spécialisé qu’un internaute, établi en Tunisie, a signalé un site qui revendait beaucoup de motos volées, raconte Olivier. Je l’ai consulté tous les jours. Et quelques semaines plus tard, il y avait une annonce avec ma moto. Elle avait été démontée puis remontée. A partir de là, j’ai recherché sur les réseaux sociaux des gens posant sur des motos neuves. »
La pêche s’avérera fructueuse. Honda, Triumph, Kawasaki… Au fil de sa cyber-investigation, Olivier identifie de véritables filières de motos volées. Des gros modèles revendus à moitié prix. « Révolté », il parvient à retrouver certains concessionnaires. Et à contacter les victimes.
« J’ai les boules »
Sylvain en fait partie. Vendeur de motos à Nice, il ne compte plus guère revoir un jour sa Honda CD1000 à 10 500 e, volée dans son garage pendant ses vacances. « Quand on va déposer plainte, la police vous laisse clairement entendre qu’il y a peu d’espoir… »
Florian, habitant de Vallauris de 23 ans, l’a encore plus mauvaise. Son assurance venait d’expirer quand sa R1 Yamaha à 16 000 e a filé vers Sousse, en Tunisie. « J’en ai été entièrement de ma poche. J’ai les boules. Encore plus que la police nous dise qu’on ne peut rien faire… »
En « off », les fonctionnaires ne cachent pas leur désarroi. Le commissaire Nicolas Hergot, chef de la sûreté départementale qui abrite la brigade auto, indique toutefois que « la police française explore toutes les pistes, en coopération avec les autorités tunisiennes, dans un contexte rendu bien plus compliqué par le Printemps arabe qui a désorganisé leurs services. »
Pour Olivier, en tout cas, pas question de baisser les bras. Il a transmis le dossier qu’il a constitué à la brigade auto, a alerté la Fédération française des motards en colère, et même Interpol. « Je suis un simple citoyen avec une connexion Internet, j’investis de mon temps : à un moment donné, il faut bouger ! OK, ces vols ne sont pas un crime. Mais vous avez vu le volume que ça représente ? »
Nice Matin
(Merci à Osez)