Dans le récent débat sur le « racisme anti-blanc », le grand oublié a été le mot « racisme », comme si sa signification et ses conditions d’emploi ne posaient aucun problème. Il en va tout autrement. Depuis la fin du XXe siècle, il est appliqué de façon polémique à un nombre indéfini de situations, et ne fonctionne plus que d’une façon vague et confuse, comme synonyme approximatif d’exclusion ou de rejet de l’autre, de discrimination, d’hostilité, de haine de l’étranger, d’intolérance à l’égard du différent, de peur phobique ou de mépris. On en connaît les multiples expressions courantes depuis les années 1970 : du « racisme anti-jeunes » au « racisme anti-flics », « anti-vieux », « anti-homosexuels », « anti-Français », voire au « racisme anti-Front national ». Le racisme étant partout, il n’est plus nulle part, et devient indéfinissable.
« Rien ne compromet davantage, n’affaiblit de l’intérieur, et n’affadit la lutte contre le racisme que cette façon de mettre le terme […] à toutes les sauces. » Manifestement, la leçon de Claude Lévi-Strauss n’a pas été entendue.
L’expression « racisme anti-blanc » n’est ni mieux ni moins bien formée que « racisme anti-noir », « racisme anti-juif », etc., à la différence des expressions abusives du type « racisme anti-gros ». Il n’est nullement choquant de spécifier le « racisme » par ses cibles variables, si elles constituent des groupes ethniquement identifiables.
La réalité des manifestations du « racisme anti-blanc » n’est pas niable, au Zimbabwe de Robert Mugabe comme en France où il prend des formes peu idéologisées : injures, menaces, violences physiques revendiquées – pour « se venger des Blancs ». Mais il s’exprime aussi par certaines auto-ségrégations communautaires.
La question du « communautarisme » est étroitement liée à celle de la non-intégration d’immigrés et d’enfants d’immigrés. Mais il faut distinguer la non-intégration involontaire du refus de l’intégration, souvent pour des raisons politico-religieuses diffusées par la propagande islamiste. Le « racisme anti-blanc », ici, fait partie d’une constellation de rejets, où se côtoient l’anti-occidentalisme, la christianophobie, la judéophobie et une haine spécifique visant les Français comme héritiers de leur impérialisme colonial. Mais l’on comprend que, dans une société où l’antiracisme est inscrit dans la loi, les « racistes anti-blanc » ou leurs avocats cyniques soient portés à affirmer que le « racisme anti-blanc » n’existe pas !
Le Front national n’est ni l’inventeur, ni le propriétaire de cette expression. Il n’a pas non plus inventé le phénomène. Les milieux antiracistes organisés ont gardé un silence gêné ou prudent sur l’apparition de formes diverses de « contre-racisme ».
Le phénomène n’est pas nouveau : au racisme des dominants, les dominés répondent souvent par un racisme de sens contraire, comme aux États-Unis ou dans les mouvements de libération nationale à l’époque de la décolonisation. Mais il a pris depuis une trentaine d’années, en raison de la mise en accusation croissante de l’Occident, une importance inédite.
Aujourd’hui, la haine du Blanc, du Français, de l’Européen, de l’Occidental, du Juif ou du chrétien se donne comme un bloc indifférencié. (…)