Tribune d’Alain Duhamel sur les 40 ans du Front national.
Crise, xénophobie, autoritarisme, populisme, Marine Le Pen n’a rien inventé mais a tout retrouvé.
En 1972, Jean-Marie Le Pen était à la tête d’un groupuscule mi-patibulaire mi-folklorique, composé des vestiges de multiples chapelles de l’extrême droite. Lui-même, ex-député poujadiste, ex-parachutiste sulfureux, orateur reconnu, étudiant éternel et activiste vibrionnant, avait une notoriété modeste et ambiguë. […]
Il a maintenant transmis le commandement de ses troupes à sa fille Marine. Contrairement à lui, celle-ci a bel et bien l’intention de conquérir le pouvoir. Pour cela, elle a entrepris de moderniser l’image du Front national, de le dédiaboliser sans le banaliser. C’est une entreprise ardue mais pas utopique. Marine Le Pen a joué habilement de son allure de femme contemporaine (études, travail, divorce) et de sa prudence face aux tentations du dérapage. Avec l’appui initial d’une presse aveuglée par le goût de la nouveauté et l’obsession de l’apparence, elle a marqué des points. […]
Image surtout paradoxale, puisque Marine Le Pen, loin de moderniser la thématique de l’extrême droite, l’enracine au contraire méthodiquement dans l’humus des années 30. Jean-Marie Le Pen vivait dans l’univers des guerres coloniales. Marine Le Pen revient à l’avant-guerre. […]
Elle dénonce les oligarques, comme ses aïeux fustigeaient les ploutocrates. Le vocabulaire change, la musique reste.
Dans les années 30, l’étranger, c’était le réfugié, juifs fuyant les persécutions et les menaces, ou républicains chassés par les dictatures. Désormais, c’est le musulman qui constitue la cible perpétuelle de l’extrême droite française.[…]
Libération