Interview de Gérard-François Dumont, géographe, enseignant à l’Université Paris IV:
Ne ditez plus “zone rurale” mais “commune isolée hors influence des pôles”! L’INSEE a décidé de rayer de son vocabulaire le mot rural dans ses typologies entre entre espaces à dominante urbaine et espaces à dominante rurale. Comme si la France n’avait plus de vraies campagnes…
Atlantico : Vous avez évoqué l’idée d’un « meurtre rural », pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
Gérard-François Dumont : L’INSEE, lorsqu’elle étudie le territoire français, propose un certain nombre de découpages. Elle présente notamment un découpage appelé le « zonage en aires urbaines ». Ce dernier distinguait jusqu’à présent, pour simplifier, deux types de France : l’espace à dominante urbaine et l’espace à dominante rurale. Dans la nouvelle définition que l’INSEE vient d’arrêter, l’adjectif « rural » a disparu. Cet espace à dominante rurale change d’intitulé et devient « commune isolée hors influence des pôles ». Comme si la France n’avait plus de vraie ruralité.
C’est assez grave car, déjà au cours de la définition antérieure, l’Insee avait une définition extrêmement extensive des villes. Elle réduisait considérablement la réalité de la ruralité en France.
HorsOr cette ruralité a une importance cruciale, nous l’avons bien vu au premier tour des élections présidentielle.
Atlantico : Justement, quelles sont les conséquences de cette manière d’analyser le découpage géographique de notre pays ?
C’est un phénomène qui veut donner l’impression qu’il n’y aurait de possibilités d’évolution, d’innovation et de créativité que dans les grandes métropoles. La France comprend pourtant de nombreux territoires ruraux qui ont fait la preuve de leurs capacités d’innovation. Nous avons par exemple des territoires comme la Mayenne ou la Vendée qui n’ont pas de métropoles, sans que cela ne les empêche de développer des activités économiques importantes tout en ayant un taux de chômage nettement inférieur à la moyenne nationale.
Il faut rappeler un autre élément : la France continue d’être extrêmement inégalitaire dans la mesure où la dotation globale de fonctionnement que l’Etat verse aux communes n’est pas égale selon le lieu où se trouvent les habitants.
Dans les villes les plus peuplées, la dotation par habitant est plus élevée que dans les petites villes et les petites communes. C’est injustifiable.
Atlantico : A-t-on vraiment besoin que l’INSEE évoque cette ruralité pour que la France dispose de politiques prenant en compte cette réalité ? Quel est le lien entre les deux ?
A partir du moment où l’on fait disparaître la notion même de ruralité, cela sous-entend qu’il n’y a plus de logique politique liée à cette ruralité. Comme si tout le monde vivait dans des villes.[…]
Atlantico (Merci à Dzeta)