Chronique d’une lâcheté ordinaire en wagon multiculturel…
Pardon, chère demoiselle. Je ne suis pas intervenu. J’étais dans le même wagon de cette ligne 13, l’autre soir, quand vous fûtes importunée par un homme ivre.
Vous étiez assise, brune jolie et sage, belles jambes en jupe sous des collants sombres, et l’homme qui vous parlait fort, depuis le strapontin, sa bouteille de vin à moitié vide dans la main, vous apostrophait de plus en plus bruyamment, violence verbale d’injures, de mots français et arabes, de « je nique votre religion » venus d’on ne sait où, car l’homme, qui ne semblait pas SDF, et bien que maghrébin d’apparence, buvait du vin rouge, ce qui exclut de fait qu’il fût un islamiste militant voire simplement un bon musulman.
L’homme également vous hurlait qu’il n’aimait pas les Espagnols et les Américains (peut-être prenait-il votre chevelure brune et votre teint brun pour des traits ibériques). Puis l’homme, en plus de vous crier dessus, commença à pointer son doigt sur votre épaule, touchant parfois votre visage.
Dans le wagon rempli, indifférent, quelques-uns dont moi étions tétanisés. Il m’est déjà arrivé de séparer des hommes qui se battaient dans une rame. Mais je ne suis jamais intervenu dans un conflit au moment de la tension, avant qu’un premier coup ne parte. Lâchement, j’attendais ce premier coup, dans l’espoir qu’il n’arrive pas. Il n’est pas arrivé.
L’homme est descendu à une station, vous vous êtes mise à pleurer, et une dame a lancé à la cantonade : « Le plus grave, c’est que les hommes ne font rien. » (…)